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Présences 2004 : Saariaho, Hersant, Natra, chacun cherche son chemin

Un concert peut avoir la dimension d'une traversée, être une immersion initiatique dans une œuvre. Il peut également être un carrefour, une étape en forme de découverte. C'était le cas de la soirée du 10 février 2004, qui proposait un programme hétérogène réunissant Natra, Saariaho et Hersant. Au-delà de leur absence d'affinités apparentes, les trois compositeurs se situent à des stades divers de maturité artistique. Tandis que , le héros de Présences 2004, se bat encore et toujours pour trouver son style et sa liberté, est forte d'une longue formation dans les meilleures académies contemporaines et , 80 ans cette année, a dépassé ces questions d'école et tutoie la muse. La soirée allait être riche de réflexions sur l'art d'être soi-même.

Un trio qui se met en trois

En première partie, le trio Turner défendait une œuvre de chaque compositeur. Tout commença par la création des Commentaires Sentimentaux de , pièce dont la harpiste Isabelle Perrin* nous dit qu'elle l'a « suggérée » au compositeur. A voir l'œil malicieux et admiratif du vieil homme pour cette artiste, on peut penser qu'il s'agit d'une façon bien allusive de dire les choses. Quoi qu'il en soit les épisodes, mélodiques, évocateurs, se succèdent, se répondent, une histoire se dessine, sans contours trop définis qui sinon rompraient le charme. On voudrait connaître la suite.

L'audition des Nocturnes de et des New Gates (Nouveaux Portails) de s'avérera en revanche laborieuse. A l'atmosphère grisaillante et aux motifs parfois répétés à satiété des Nocturnes, répond le caractère statique des New Gates. Dans cette dernière œuvre le travail du son est toutefois remarquable, Saariaho n'a pas fait Darmstadt et l'IRCAM pour rien. Il manque seulement une trame qui soit suffisamment perceptible, fut-elle même abstraite, pour que le spectateur adhère spontanément au projet.

Dans ces trois œuvres, à la tonicité sous contrôle de la harpe d'Isabelle Perrin et à la netteté de trait de la flûte de , l'alto de Sabine Toutain offrait une réplique douce, quelque peu flottante, qui ne permit pas de réaliser pleinement l'équilibre entre les instruments.

Un Chœur tout dévoué

En seconde partie, Hersant faisait cavalier seul, défendu par et le chœur Les Eléments dans le Psaume CXXX et les Poèmes chinois, deux œuvres qui illustrent l'état de recherche perpétuel dans lequel se place le compositeur. Alors que les Nocturnes assument leur origine dans Debussy, le Psaume CXXX (Aus Tiefer Not) reprend le texte déjà utilisé par Bach dans sa cantate BWV 38, et utilise la viole de gambe et l'orgue positif dans une référence habilement archaïsante à la musique baroque. Autre influence pour les Poèmes chinois qui trouvent, selon le compositeur, leur source dans les Histoires Naturelles de Ravel. Mais on peut aussi penser au Chant de la Terre de Gustav Mahler, et pas seulement parce que les deux œuvres s'inspirent de la même poésie classique chinoise du VIIème siècle. Les poèmes se succèdent comme autant de tableaux de genre, du tragique à l'humoristique, au point que cela finit par ressembler à un catalogue des capacités de à écrire sur les différents registres de l'humanité. Le chœur Les Eléments connaît son métier et se plie avec aisance à la diversité d'expression qui est requise, rendant pénible pour eux et pour nous-mêmes certaines interventions tonitruantes du piano, qui croit utile de répéter ce que le chœur avait déjà très bien exprimé.

Au terme du panorama qui nous était proposé ce soir, on se dit qu'être soi-même dans son art est un exercice qui doit prendre au moins toute une vie. Monsieur Natra, on vous suit !

* précisons à toutes fins utiles que la harpiste n'a aucune relation avec notre collaboratrice et homonyme de Resmusica.

Crédits photographiques : (c) DR

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