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Benedetto Marcello, Le chant lumineux de David …

Issu de la noblesse vénitienne, mena parallèlement les carrières, à priori plutôt opposées, de compositeur et de magistrat. Son chef d'œuvre absolu, L'estro pœtico armonico, constitué de paraphrases en italien sur les cinquante premiers psaumes de David écrites par le poète Girolamo Ascanio Giustiniani et publié en huit volumes entre 1724 et 1726, fit l'admiration de plusieurs compositeurs marquants de son époque, comme Telemann et Bononcini. Marcello écrivit également des cantates, des oratorios, de nombreuses pièces instrumentales et de surcroît, laissa à la postérité une œuvre littéraire non négligeable : des tragédies, des poésies et le fameux Il teatro alla modapublié à Venise vers 1720, sorte de satire dirigée tout particulièrement contre son grand rival Vivaldi. Cet ouvrage aux allures de pamphlet dresse un tableau très vivant de la situation de l'opéra italien au XVIIIe, et constitue finalement, même s'il en fustige les travers, une très bonne approche du sujet. C'est dans les synagogues du ghetto juif de Venise que Marcello recueillit ces chants issus des traditions séfarade et ashkénaze, dont certains datent du XIVe siècle, et qui, sans lui, auraient été perdus irrémédiablement, du moins pour la plupart. Le compositeur y inséra des «intonations» en hébreu notées a capella à la manière du plain-chant, mais de droite à gauche pour suivre la langue hébraïque, ce qui donna une intensité supplémentaire à ces œuvres déjà fortement inspirées par la foi.

L'enregistrement paru chez Atma Musique séduit indiscutablement, tant pour l'interprétation saisissante de , que par l'investissement passionné de l'orchestre qui l'accompagne. Cette jeune chanteuse, qui évoque, par sa ferveur mystique, la grande tradition des cantors, possède d'immenses qualités : richesse d'un timbre à la fois lumineux et corsé, élégance du style et du phrasé. Tout au plus peut-on lui reprocher une diction italienne parfois un peu floue et une utilisation un peu trop systématique de la voix de poitrine dans les notes graves ce qui, même à des fins expressives, peut devenir un peu gênant dans des œuvres à caractère religieux. Ce n'est cependant que péché véniel eu égard à la force spirituelle qui émane de sa prestation.

L'ensemble Fuoco e Cenere dirigé par Jay Bernfeld, superbe de sonorité, livre de ces pages une lecture à la fois ardente et épurée, empreinte d'une profonde spiritualité. On retrouve au clavecin l'excellent , qui vient de signer chez Alpha un remarquable enregistrement d'œuvres de Louis Couperin dont nous avions salué la parution il y a peu (lire l'article).

Un disque qui risque de faire date, à recommander absolument.

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