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Ars Musica Vol I, Mélange de générations

En mars, à Bruxelles, c'est Ars Musica. Depuis 1989, la capitale de l'Europe bat au rythme de son festival annuel de musique contemporaine. Etalé sur trois semaines, l'édition 2005 place la voix au cœur de ses concerts : de l'opéra à la voix seule et à travers des portraits de compositeurs.

L'Allemand est l'un de ces créateurs célébrés. Un portrait intitulé « une icône contestée de la musique contemporaine » ouvre le livre programme du festival. On ne peut rêver meilleure formulation! Présenté dans nos histoires de la musique comme une référence de l'avant-garde, Stockhausen en impose, mais force est de constater qu'il est assez peu programmé en dehors de quelques pièces récurrentes, comme si cette statue du commandeur faisait peur. L'ensemble néerlandais Asko-Schönberg consacre sa première partie à deux partitions pour petit ensemble : Kreuzspiel et Kontrapunkte. Elaboré pour ensemble amplifié, Kreuzspiel est une œuvre de jeunesse (1949) composée sous l'influence du Mode de valeurs et d'intensités d'. D'une rigoureuse structure ce triptyque qui fait la part belle aux percussions, explore les hauteurs, les répartitions rythmiques et les timbres. Cet exercice de style d'une dizaine de minute paraît interminable, faute à une musique prisonnière d'un carcan trop rigide et, sans doute, en raison de l'absence d'investissement des interprètes comme en témoigne la gestique raide et sémaphorique du chef belge Etienne Siebens. Les mêmes reproches peuvent être formulés à l'égard de Kontrapunkte, partition pour dix instruments, composée autour d'un questionnement multiple sur la forme musicale, l'identité artistique et la musique de son époque. Cette sorte d'affrontement pour groupes d'instruments a du mal à cacher son âge. Les musiciens sont techniquement superlatifs, surtout l'excellent pianiste de l'ensemble qui se joue avec maestria des redoutables difficultés de sa partie, mais pour un auditoire de 2005, cette partition paraît plutôt terne.

La seconde partie est entièrement consacrée à Here Trilogy du jeune compositeur hollandais . Ce trentenaire, très en vogue médiatique aux Pays-Bas, est lauréat des prix Gaudeamus (1989) et Matthijs Vermeulen (2004). Son opéra de chambre After Life sera crée lors du Holland festival en 2006. Composé entre 2001 et 2003 pour orchestre de chambre et soprano, cet ensemble est une grande découverte. Ecrit à la suite de l'opéra de chambre One (2002) où un personnage féminin anonyme entreprend une quête déraisonnée d'elle-même, ce triptyque nous présente cette femme à la recherche de son identité et du monde qui l'entoure. Here [enclosed] ouvre ce cycle. Écrite pour orchestre seul, cette pièce surprend par les timbres oniriques des instruments ; alors que l'électronique renvoie à l'orchestre ses propres sons. Here [in circles] est d'un ton plus fragile. La soprano tente de s'émanciper de la structure dramatique, elle s'enregistre en temps réel et diffuse sa voix à l'orchestre. La pièce se termine en ronde endiablée et virtuose où la soprano se bat avec son chant enregistré.

D'un esprit dramatique, Here (to be found) marque le renoncement et l'enfermement de la chanteuse derrière son univers musical tandis qu'une partie enregistrée scande le temps musical. L'adjectif « frais » apparaît comme le meilleur qualificatif pour évoquer la musique de Van der Aa. Tout est clair et limpide chez ce compositeur de talent qui réussit à faire sonner, sans références au passé, son instrumentarium. La jeune soprano canadienne , rompue à la musique contemporaine, se taille un grand succès public. Son timbre cristallin et sa technique hors pair font un sort aux difficultés de la partition. Etienne Siebens, particulièrement engagé, s'anime comme un beau diable pour faire sonner l'ensemble Asko-Schönberg.

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