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Au chœur de la harpe

Figures Françaises I

Après un concert « mise en bouche » le 16 mars dernier par l' dirigé par où était présenté le concerto pour violoncelle n°2 d', Radio-France nous conviait à un véritable festival de musique française grâce à ses aventureuses « Figures ». Le compositeur montmartrois dont on célèbre le centenaire (lire la chronique à ce propos) était au centre des festivités, accompagné de ses amis, contemporains ou « descendants » (Daniel-Lesur, Messiaen, Honegger, Vercken, Cavanna, Agobet, …). Seuls deux concerts de cette série, consacrés l'un à et Jean-Ferry Rebel, l'autre à , (belge et non français) et font exceptions. Debussy était le grand absent de ce week-end « français », mais son ombre planait sur bien des programmes. L'esthétique d' s'inscrit dans la droite lignée de celui dont il fut l'assistant, tout en restant éminemment personnelle. Quant au jeune Jolivet, ses premières œuvres se souviennent de l'héritage imposant du compositeur de Pelléas et Mélisande.

Le Septuor pour cordes vocales et instrumentales d' fait appel – comme son titre l'indique – à un ensemble composite fait d'un trio vocal féminin et d'un quatuor à cordes. Véritable œuvre de musique de chambre, fallait-il en lieu et place des trois paires de «  cordes vocales » la Maîtrise de Radio-France, il est vrai en effectifs réduits ? L'écriture mêle voix et instruments à égalité, sans notions de mélodie et accompagnement assignées à l'un ou l'autre. De surcroît l'acoustique mate de la salle Olivier Messiaen, plus propice aux grands ensembles qu'aux petites formations, finit par noyer les excellents Parisii sous la masse vocale de ces jeunes filles, bien préparées par . Peut-être la radiodiffusion sur France-Musiques le 5 avril prochain à 10h00 permettra-t-elle de rééquilibrer chacune des parties?

Le Chant de Linos de Jolivet, partition pour flûte et piano destinée au concours du Conservatoire de Paris en 1944 a été remodelée par le compositeur pour le quintette du harpiste Pierre Jamet (harpe, flûte et trio à cordes). Œuvre au langage ouvertement modal, elle ne verse jamais dans le néo-classicisme malgré son propos inspiré par la Grèce Antique. A l'instar de la Suite Delphique, les sonorités y sont âpres et rugueuses, parfois violentes et souvent incantatoires par ses cellules mélodico-rythmiques répétitives. Le petit ensemble réuni autour de et Isabelle Moretti ne démérite pas, bien au contraire, mais semble perdu dans ce vaste auditorium. Même constat pour le Conte Fantastique d'après Edgar Allan Pœ (le Masque de la Mort rouge) de Caplet, véritable concerto pour harpe et quatuor à cordes qui explore toutes les capacités sonores de l'instrument soliste. L'impression artificielle d'éloignement créée par le lieu empêche d'apprécier pleinement la qualité du jeu des artistes présents.

La Suite Liturgique de Jolivet qui concluait ce concert pâtit des mêmes défauts. A l'origine prévue pour une voix seule accompagnée d'une harpe, d'un hautbois prenant le cor anglais et d'un violoncelle, il n'est pas rare qu'un chœur à l'unisson exécute cette œuvre. Musique de scène du Mystère de la Visitation d'Henri Ghéon (qui fournit auparavant les paroles du Miroir de Jésus d') cette pièce prend pour texte des extraits de la liturgie catholique (Salve Regina, Alleluia, Magnificat, Benedictus) entrecoupés d'interludes instrumentaux. L'utilisation d'une harmonie modale faite de secondes augmentées et d'une écriture vocale alternant vocalises et psalmodies évoque le Moyen-Age sans jamais le pasticher. On pourra reprocher une certaine mollesse de la diction des jeunes choristes, l'ensemble sonne remarquablement homogène, mais un lieu plus intime d'exécution aurait pu rendre pleinement justice tant aux interprètes qu'aux œuvres.

Credit photographique : © Ib Rasmussen, 1996

 

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