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Une heure de charmant hédonisme : Donizetti, un italien à Paris

Il fût un temps où tout musicien italien un tant soit peu célèbre se devait de s'établir à Paris, de se faire jouer dans les principaux théâtres de la ville, de franciser à la fois son style et ses mœurs.

n'échappa pas à cette règle. Au XIXe siècle, qui dit parisien dit salon, et, bien entendu, romances. Le musicien bergamasque composa donc plusieurs recueils de mélodies de salon, dont la firme Alpha a sélectionné un certain nombre, principalement des duos, mais également quelques airs, confiés aux voix de et de , accompagnées au piano par Serge Cyferstein.

Le compositeur de quelques soixante-dix opéras n'a pas lésiné pour la circonstance, et a apporté tous ses soins à ces ravissantes partitions délicates et fragiles comme de la porcelaine, et bien dans l'esprit du temps et du lieu. La musique est du très bon Donizetti, qui ne change pas de style en passant d'un genre à l'autre : les mélodies sont très lyriques, faisant la part belle à la voix, et chacune avec son ambiance propre : de vrais opéras miniatures. Les textes convoquent allégrement tous les poncifs du genre : amours malheureuses, plaintes et gémissements, larmes, tombeau, épines de la vie, esclaves amoureuses et sultanes captives.

Bien entendu, ne pourrait pas chanter le rôle-titre de Lucia di Lammermoor, pas plus que ne pourrait interpréter Maffio Orsini (le personnage travesti de Lucrezia Borgia) : ces mélodies sont, si l'on ose dire, du Donizetti à la portée de toutes les voix. Encore faut-il qu'elles soient bien éduquées, comme c'est le cas dans le présent enregistrement. « Les Demoiselles de… » (sous titre du CD) maîtrisent à ravir l'art du rubato et du port de voix, les timbres sont jolis, celui de évoque même parfois celui de Jane Berbié à son apogée, et savent parfaitement se marier et se fondre : on retrouve, très étonnamment, dans certains des duos, les accents bellinien des Capuleti e Montecchi.

Les demoiselles ne manquent pas non plus d'humour, et savent forcer le trait dans la chanson à boire qui clôture le récital. La partie de piano est dans la lignée de l'orchestration donizetienne : pas d'une richesse infinie, sachant mieux se faire oublier pour supporter les voix, seules importantes aux yeux du compositeur. Tout dans ce CD, musique comme interprétation, est exquis et ne pèse rien. Les amoureux de Donizetti reviendront toujours à la « trilogie des reines » (Anna Bolena, Maria Stuarda, Roberto Devereux), à Lucia di Lammermoor, à l'Elisir d'amore, mais cet enregistrement, léger comme une plume, fera passer une heure et quelques de charmant hédonisme, dans une interprétation quasi parfaite.

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