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Fidelio au Grand Théâtre de Genève

Le nombre de bonnes intentions et la qualité globale du plateau eussent permis une réussite prégnante pour ce Fidelio si la fosse n'avait pas pâti de tant de mollesse et d'un manque d'inspiration aussi marqué.

Dès les premières mesures, la direction de Woldemar Nelsson est alanguie, sans verve. Au fil du temps, l'entier de la lecture de la partition du seul opéra de Beethoven se révèle uniforme, émoussée, souvent imprécise, sans variations d'intensité. Ainsi, lorsque Florestan évoque sa misère au début deuxième acte, puis l'espoir qu'il trouve en pensant à sa bien-aimée (pas si lointaine que cela en définitive), passe-t-on sans transition de la monotonie à… la monotonie. Prisonniers de tempi étirés, les chanteurs, s'ils parviennent à ne pas trop s'essouffler, voient souvent leur expressivité réduite en conséquence.

Dommage que la fosse affadisse ainsi cette production qui se montre sinon convaincante à bien des égards. La mise en scène est cohérente, dans des décors intéressants au sein desquels une foule d'idées oriente le jeu des acteurs, notamment lors du premier acte, d'un ton plus léger que celui qui nous plonge dans les tréfonds de la geôle de Florestan après la pause. Ainsi, la jeune Marzellina éconduit son prétendant Jacquino avec malice, celui-ci se montrant scéniquement très à son aise. La voix cristalline de Regina Klepper –que le public genevois avait déjà pu apprécier dans Les Oiseaux de Braunfels la saison passée– fait mouche et charme à la façon d'un élixir. A ses côtés, la basse Duccio Dal Monte campe un Rocco bon enfant d'une voix au timbre abyssal. On croirait parfois entendre Fafner gardant son or dans Siegfried, avec çà et là quelques touches bouffe. Tous évoluent au premier acte dans quelque patio d'une prison de Séville. Les sbires de Pizzaro ont des tenues d'agent de la sécurité, flanqués de matraques ou de gardes du corps en costard affublés de lunettes noires. Si la référence à la prison n'est pas immédiate, il n'en demeure pas moins que l'action s'y développe habilement et avec des intentions claires. Pizzaro, imaginé dans une chaise roulante, est magnifique de perfidie et d'amertume. Le baryton est d'un âge respectable. Nullement fatigué, il trouve le ton juste et vigoureux qui rend son personnage crédible. Il se garde pertinemment de nimber son chant clair et haut placé d'un halo séducteur, mais laisse libre cours à l'amertume cruelle qui le caractérise. Pour le rôle-titre, Lisa Livingstone se montre forte et très convaincante. Son physique de grande taille convient parfaitement à ce rôle composite forgé dans la féminité et le travestissement : la cantatrice possède un legato et une portance idéale pour le rôle.

Ce n'est qu'à l'acte II qu'apparaît Florestan. Au fond de sa cellule, convainc par son style parfait et la sobriété d'un chant qui ne manque pas d'aplomb pour autant. Le dénouement de l'opéra délivre un message universel d'espoir cher à Beethoven que la mise en scène de Stein Wige adapte à l'époque contemporaine en faisant porter aux choristes -très convaincants au demeurant– les t-shirts avec des photos de prisonniers politiques de toutes les nations. Une touche «engagée» en guise d'épilogue que chacun recevra comme il le veut…

Crédit photographique : © GTG Isabelle Meister

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