- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Magdalena Kožená au sommet de son art

et son librettiste Raniero de Calzabigi désiraient ardemment s'éloigner de l'aspect excessif des opera seria de Métastase pour entrer dans une forme dramatique plus pure et plus simple d'expression et de compréhension. Paride ed Elena est le troisième et ultime opéra né de cette collaboration. Si de ces trois opéras, Orphée et Eurydice reste un pilier du répertoire lyrique, Alceste n'est que très rarement joué tout comme Paride ed Elena.

A l'écoute, on comprend mal comment cet opéra est si peu servi par la scène. Peut-être que la préface donnée à l'opéra par le compositeur et le librettiste eux-mêmes révèle possiblement les raisons de sa difficile survivance dans le monde lyrique. « Le drame de Paride e Elena n'a pas exigé … ces fortes passions, ces images majestueuses et ces situations tragiquesd'Alceste. Il s'agit d'un jeune amant présenté en contraste avec la réticence d'une belle et honnête dame. Il finit par triompher grâce à tous les stratagèmes de la passion ardente ». Une certaine banalité du drame qui n'a pas de quoi faire délirer un metteur en scène ! Mais c'est bien dommage, car la musique comme les airs sont grandioses.

Cette nouvelle version (deux autres éditions existaient déjà en CD -dont une a déjà disparu des catalogues) se pare d'une distribution hors pair à la tête de laquelle se détachent deux protagonistes. Superbe, (Paride) donne la réplique à une magnifique (Elena). Coïncidence ? C'est ce même rôle qui devait voir débuter la carrière lyrique de la mezzo tchèque au Festival de Drottningholm en 1998. Ce retour aux anciennes amours fait figure de couronnement et Magdalena Kozená touche au sublime. Au sommet de son art, quel savoir et quel talent exhalent de l'air « Le belle imagine » et quels lumineux mezza-voce subliment « Di te scordarmi, e vivere ! ». Refrénant volontairement son vibrato, la mezzo s'identifie ainsi parfaitement à la jeunesse de l'éphèbe amoureux. Dans un véritable régal vocal, elle extériorise l'intensité d'un amour qui déteint sur le chant d'Elena. Avec une voix aux multiples harmoniques et aux couleurs somptueuses, la soprano britannique campe avec sensibilité la femme tombant sous le charme de la séduction. L'écriture musicale de ce discours amoureux rapproche souvent les voix des deux principaux rôles au point de les faire se croiser. Sans une grande attention portée sur la musicalité, sans une intelligente lecture du texte, il deviendrait vite impossible de discerner une protagoniste de l'autre. Un écueil que les deux chanteuses évitent avec maestria. Dans cet opéra à la gloire de la voix féminine, la soprano anglaise s'insère sans complexe dans son rôle pour donner légèreté et insouciance au chant désincarné de l'Amour.

Malgré quelques petites réserves sur la direction sans grand relief de Paul Mc Creesh, cet enregistrement fait date dans la discothèque des opéras de Gluck, s'affirmant à la hauteur des récents et brillants enregistrements de Armide et Orphée et Eurydice par et Marc Minkowski.

(Visited 330 times, 1 visits today)