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Jonas Kaufmann, un successeur pour Fritz Wunderlich

Ce ne pouvait être Le Roi s'amuse. La censure à Venise, occupée par les Autrichiens en cette année 1851, l'en empêcha ; l'opéra s'intitule donc Rigoletto.

Au lieu du coureur de jupons historique, le roi François Ier du drame hugolien, c'est désormais un quelconque duc de Mantoue de la famille des Gonzague qui brise le cœur de toutes les femmes avec sa charmante voix de ténor. Le rôle-titre est Rigoletto, bouffon et père clandestin.

Dans cette reprise d'une mise en scène de , datant de 2003, le ténor munichois fait ses débuts dans le rôle musicalement si brillant du duc. Scéniquement, la direction des acteurs peu différenciée de ne lui permet qu'une approche routinière et peu approfondie. Par contre, en ce qui concerne l'aspect vocal et l'interprétation musicale, Kaufmann nous offre une prestation de grande classe. Le ténor au répertoire stylistiquement très vaste connaît les règles du phrasé verdien comme si le belcanto italien était sa spécialité. Il dispose d'un timbre d'une grande beauté, d'aigus lumineux, de tendres piani et pianissimi ainsi que de diminuendi à couper le souffle. Cependant, il n'ose pas les ré bémol et ré suraigus, ajoutés par certains à la fin du duo d'amour et à la fin de la Cabalette « Possente amor » du deuxième acte. Côté interprétation, son portrait du rôle semble être axé sur trois passages clés du texte : Dans la ballata du début, il admet son inconstance – « Nous détestons la fidélité, ce tyran des cœurs, comme la peste » – dans le récitatif du deuxième acte, il semble trouver la possibilité d'un amour durable – « Où est celle qui la première a su allumer en moi la flamme d'un amour durable » – avant de donner aux femmes la faute de ne pouvoir vivre un véritable amour : « Comme la plume au vent, femme varie…  ». Le premier duc de est plus qu'une promesse. Le ténor allemand pourrait devenir une star du répertoire italien – et aurait enfin trouvé un successeur.

Dans le rôle de Gilda, la formidable soprano roumano-suisse Elena Mosuc prouve son grand talent. Même un long contre-mi dans son air ne lui pose aucun problème. En Rigoletto, , le dernier grand baryton verdien dans la tradition des Bastianini et Cappuccilli, nous offre une prestation magistrale, scéniquement et vocalement, couronnée par des aigus fulgurants. La direction du grand Nello Santi est d'un haut niveau, par moments pourtant – la cabalette de la vengeance par exemple – plus routinière que géniale. La mise en scène raconte largement l'histoire. Elle ne dérange pas, ses modernismes (transposition aux temps de Verdis, pour les décors) n'affinent pourtant pas le chef d'œuvre verdien.

Traduction : Andréas Laska

Crédit photographique : Zürich Opernhaus

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