- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Zaïde de Mozart à la Cité de la Musique, le dernier rêve d’un condamné

Dans le cadre de la thématique Mozart / Lachenmann déclinée par la Cité de la Musique du 11 au 21 janvier, l'Orchestre de Rouen/Haute Normandie dirigé par était sur la scène de la salle des concerts pour interpréter, ce dimanche 15 janvier, Zaïde de Mozart mise en espace par .

Composée entre 1779 et 1780, l'œuvre restée inachevée n'est découverte par Constance, la veuve de Mozart, qu'en 1799 et publiée en 1838 par l'éditeur Johann Anton André. Il manque alors à ce premier Singspiel écrit par Mozart (en langue allemande et ponctué de dialogues) l'ouverture, les dialogues, la partie finale et même le titre (donné lors de la création posthume en 1866). Les raisons de l'abandon de l'ouvrage restent mystérieuses bien que Mozart, dans une lettre à son père, confie que « il ne convient pas à Vienne où l'on voit plutôt des pièces comiques ». C'est à la dramaturge que l'on doit donc le complément de titre – Zaïde oule dernier rêve d'un condamné – et les dialogues. Mozart prévoit cependant de remplacer les récitatifs accompagnés par des textes déclamés et soutenus par l'orchestre selon le modèle du mélodrame entrevu à Mannheim dans la Medea de Georg Benda. Assez proche de l'Enlèvement au Sérail (1782) dont il préfigure l'intrigue matinée d'Orient, ce Singspiel n'en conserve pas moins un ton uniformément sérieux qui suggère aux maîtres d'œuvre de cette restitution – et – l'idée pertinente d'achever l'ouvrage par la solennelle Musique funèbre maçonnique (Maurerische Trauermusik) en ut mineur K. 477 pour laquelle Mozart convoque une clarinette et trois cors de basset.

En guise d'ouverture, le premier mouvement de la Symphonie n°31 K. 297 dite « Paris » débute l'ouvrage avec l'énergie requise et l'on constate avec bonheur que les archets frottent des cordes en boyau, que les timbales ont fait « peau neuve » et que les instruments à vent s'ajustent idéalement à ce choix. Avec beaucoup d'investissement et de précision dans l'articulation, va conduire le discours musical avec une égale séduction, mettant en valeur l'aspect original des « mélologues », ce compromis intéressant et tout à fait unique dans la dramaturgie mozartienne. Dans le rôle-titre, la voix ravissante et fraîche de Shigeto Hata rivalise d'aisance avec celle de ses deux partenaires – un Gomatz très en verve – et tout à fait convaincant dans le rôle d'Allazim. Avec moins de prestance, incarne le sultan Soliman dont le rôle de souverain courroucé est certes beaucoup moins gratifiant, tandis que – la basse d'Osmin – est le seul personnage qui prête à sourire dans cette intrigue qui s'achève un peu abruptement sur la mort de l'amoureux Gomatz

Avec peu de moyens scéniques, Emmanuelle Cordoliani tente une mise en espace qui n'évite pas une certaine maladresse dans la direction d'acteur, mais le naturel des dialogues a l'avantage de faire rebondir une action manquant parfois d'un véritable ressort dramatique.

Saluons une fois encore l'heureuse initiative de la Cité de la Musique – en co-production avec l'Opéra de Rouen /Haute Normandie – qui nous donnait à entendre une œuvre si rarement présente à l'affiche de la scène française.

Crédit photographique : armes et armure du sultan Mustafa III © Musée de Topkapi, Istanbul

(Visited 218 times, 1 visits today)