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Scénographie condensée et réussie pour Nabucco !

Pour célébrer le bicentenaire de son théâtre municipal, la ville de Piacenza a eu l'excellente idée de produire un DVD d'un spectacle très abouti. Comment en effet manipuler un ouvrage aussi massif, aussi grandiose que Nabucco ? 

Hébreux et Assyriens occupent souvent en grand nombre un espace scénique qui peut très vite se révéler exigu. L'ouvrage est, par excellence, le genre de pièce qui convient à des arènes romaines pour un festival d'été. Avenches (l'an passé notamment, lire l'article) ou Vérone en ont donné la preuve à maintes reprises d'ailleurs. Paolo Panizza, qui signe les décors et la mise en scène, a donné au travers de sa production la preuve que Nabucco peut convoquer une scénographie qui concilie économie de moyens et clarté d'intention. Le fond de scène, uni et nu, est souvent habillé des seuls éclairages, ceux-ci décrivant les ambiances des diverses scènes avec éloquence. L'action se déploie sinon volontiers sur plusieurs niveaux, des mezzanines s'abaissant parfois sur les côtés. Les décors aussi épurés qu'efficaces se jouent avec malice du cadre de scène d'un théâtre que l'on devine de dimension moyenne en regard de ce que le plein air peu offrir. Le maître d'œuvre ne cherche pas l'abstraction mais une conception synthétique, cohérente et réduite à l'essentiel. Et il parvient ! Les costumes, fort beaux et colorés, montrent le faste de la civilisation assyrienne et évoquent leurs rituels et leurs croyances, alors que les hébreux évoluent par contraste dans des tenues claires et sobres. Abigaille, dorée des pieds à la tête, ou Nabucco et ses bras rouge foncé fascinent. Par le truchement du DVD, ces personnages crèvent littéralement l'écran ! La présence des danseurs acrobates s'intègrent parfaitement à l'intrigue et participe à l'évocation de ce monde lointain et ancien.

Sur le plan musical, les chœurs sont de toute beauté, homogènes, au même titre que la direction posée et sans fanfaronnade exubérante de . Certains lui préféreront peut-être des lectures plus incisives, plus agressives. Cependant, la partition du jeune Verdi (Nabucco est son troisième opéra), dont le propos musical est très direct et sans ambages, possède intrinsèquement une puissance qu'il n'est nul besoin d'exagérer.

La distribution est pour l'essentiel à l'avenant de la scénographie. L'Abigaille de Andrea Gruber est vécue dans la fureur la plus ardente, avec des aigus filés et magnifiquement projetés, lumineux comme des éclairs. La cantatrice négocie les sauts les plus hardis avec aplomb et inocule à son chant cette touche légèrement acidulée qui assied le caractère dramatique du personnage. Nabucco est interprété par un baryton très imposant physiquement, mais aucunement martial. Il apparaît comme un roi à l'autorité émoussée qui vit sa destitution avec plus de marques d'affliction contenue que de colère ou de démence. En ce sens, la caractérisation – également vocale – qu'en fait le baryton s'axe plus vers celle d'un personnage résigné, à la dignité bafouée, qui mûrit longuement sa conversion finale et la mansuétude qu'il affichera à l'égard des hébreux. Le rôle-titre est ainsi campé avec une élégance dans le chant et un legato sur lequel des aigus sûrs se posent avec souplesse. demeure une basse très impressionnante. Le rôle de Zaccaria lui a été assigné dans cette production, un rôle dont il exalte les plus beaux accents en timbrant les graves dont il a le secret. De ce plateau, seul Ismaele reste parfois en retrait. Le ténor qui lui donne corps et voix se montre parfois un peu court dans des aiguës qui contrastent avec un médium impeccable. Quant à la Fenena de Nino Surguladze, ou au Grand Prêtre de Carlo Striulli, tous deux convainquent pleinement, à l'instar de cette parution Arthaus.

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