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Luigi Nono, Maurizio Pollini et Claudio Abbado : Un sillage dans la mer

Le documentaire musical est un genre particulièrement délicat et il se révèle souvent casse pattes. Le défi est d'autant plus grand quand il s'agit d'artistes contemporains où il faut se faire didactique et pédagogique sans tomber dans le prétentieux et l'ennuyeux. Un sillage sur la mer apparaît même comme une gageure car il ne s'agit pas ici d'un documentaire biographique, mais d'un film qui évoque l'amitié entre le compositeur , le pianiste et le chef d'orchestre . L'idée du film est née d'un concert houleux de donné à Milan dans les années 1970. Le pianiste voulut lire une déclaration où un collectif d'artistes italiens (dont Abbado et Nono) condamnait les atrocités américaines au Viêt-Nam. De fil en aiguille, le critique allemand Wolfgang Schreiber qui avait assisté à l'évènement, proposa après le décès de de faire un film sur la relation entre ces trois hommes.

Différentes interventions de Pollini, d'Abbado et de la veuve de Nono ponctuent les moments musicaux. Sans prétention et avec sincérité, ils parlent de l'œuvre et de la personnalité de « Gigi » : de leur rencontre, à l'explication de certaines de ses œuvres, en passant par l'évocation nostalgique des congrès révolutionnaires et progressistes des années 1960. Le compositeur était très attaché à sa Venise natale dont le bruit, les pierres et les hommes lui étaient très proches ; une promenade dans la cité sert de fond visuel à l'écoute de partitions du maître. Fort heureusement, la ballade est filmée avec tact et subtilité et on évite les clichés d'une Venise pour touristes. Le spectateur peut aussi admirer et entendre des extraits de Frammento dal Prometeo, l'une des plus fascinantes musique de son auteur, sous la baguette de et du …sofferte onde serene… pour piano et bande magnétique sous les doigts de . Filmé en partie, lors d'une résidence de l'Orchestre Philharmonique de Berlin au Carnegie Hall de New York, le documentaire nous propose aussi de très brefs passages de la symphonie n°9 de Gustav Mahler, de Pelleas et Melisande d'Arnold Schœnberg et du concerto pour piano de Robert Schumann. En bonus, le mélomane bénéficie d'une exécution authentique, incantatoire et échevelée de …sofferte onde serene… par son illustre dédicataire dans le cadre du festival de Salzbourg. Au final, on peut saluer la qualité et l'originalité de ce film. Mais, une question demeure : est-ce bien essentiel? Car qui veut comprendre l'art si contradictoire et personnel de Nono, devra encore se contenter de disques ou de livres. C'est quelque part un peu dommage.

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