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Voix sacrées et sacrées voix !

Stabat Mater de Rossini

Prouvant une fois de plus ses grandes qualités d'adaptation aux œuvres qu'il joue et aux chefs qui le dirigent, l' réaffirme sa prédominance dans la hiérarchie des orchestres de Suisse romande. Offrant sa flexibilité au pathos et à l'emphase que donne à cette superbe page d'un Rossini empreint de l'intensité du texte religieux, il enveloppe le son de ses pupitres dans une pâte musicale homogène à l'opposé de la dentelle ajourée qu'il avait montrée lors d'un concert dédié à Mozart (chroniqué sur ResMusica). Dès les premières mesures, dosant sans exagération les contrastes musicaux de la partition rossinienne, le chef italien place l'œuvre dans une profonde solennité. Signes annonciateurs d'un grand moment de musique. Faisant chanter son orchestre, il exacerbe le tragique du Stabat Mater dolorosa contenant le chœur et les solistes dans le volume de son ensemble orchestral.

Bientôt, les solistes se révèlent. Des voix sacrées et de sacrées voix! C'est le Cujus animan gementem qui permet d'être transporté par, non seulement un des aria les plus beaux et spectaculaires de toute l'œuvre mais encore par le ténor . Doté d'une voix naturelle d'un brillant exceptionnel, il conduit son instrument avec une intelligence musicale et une dextérité peu commune. À l'heure des succès (mérités) d'un Juan Diego Florez, il semble impossible qu'un autre ténor rossinien soit aussi étincelant que le Péruvien. Pourtant, prouve le contraire. Quand on sait combien ces voix sont rares, on en vient presque à espérer pouvoir conserver l'une d'elles pour l'entendre quand l'autre montrera ses premiers signes de fatigue. Face à telle illusion, reste à goûter ce qui est. La facilité apparente avec laquelle le ténor américain lance l'aigu assassin du Cujus animan gementem est désarmante. Dans le Quis est homo, c'est au tour des deux solistes féminines de se mesurer. Après une légère hésitation, elles montrent les différences essentielles qui les séparent. Si la jeune et prometteuse soprano lausannoise déçoit quelque peu en se projetant dans la théâtralité d'un texte qu'elle dramatise plus en gestes qu'en couleurs de voix, la mezzo Sabina Willeit se contient dans une verticalité habitée. Elle sublimera son Fac, ut portem Christi mortem avec l'authenticité intérieure d'une voix chaleureuse de grande qualité. Dans une ligne de chant sans faille, elle donne corps au sacré de l'œuvre rossinienne. Le même esprit loge dans la voix et l'interprétation de la basse britannique . Dans un phrasé dépouillé, il donne une lecture impressionnante de sa partie avec une voix dont la richesse du timbre n'est pas sans rappeler celle d'un Ezio Pinza.

De son côté, le Chœur de l'Opéra de Lausanne se montre à la hauteur de sa tâche même si parfois, il apparaît un peu timide. Une retenue probablement due à l'acoustique de la scène dont la hauteur excessive ne favorise pas l'intimité musicale.

En première partie du concert, deux « œuvrettes » de Benjamin Britten. Si dans les Soirées musicales op. 9 (d'après Rossini) le compositeur britannique s'est contenté d'offrir un pastiche scolaire du maître de Pesaro, les Matinées musicales op. 24 (d'après Rossini) sont musicalement plus élaborées. Les quelque soixante minutes de ce superbe Stabat Mater de Rossini pouvaient largement se passer de ces deux divertissements sans grande valeur. Mais le formatage des concerts réclame un « minimum » de quatre-vingts dix minutes de musique et la buvette veut son entracte. Alors!

Crédit photographique : © DR

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