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Une tarte à la crème… et un beau moment de musique !

Pendant l'ouverture, le rideau s'ouvre sur quatre enfants : deux petites danseuses en tutu, l'une en noir, l'autre en blanc, se disputent la vedette, un petit garçon coiffé d'une kippa joue avec un cheval de bois, un autre anime des marionnettes dans un minuscule théâtre. On soupire, résignée d'avance à subir une mise en scène « qui fait sens », mais pas du tout. 

Sitôt l'action engagée, les symboles lourdingues disparaissent pour laisser place à une bonne vieille grosse tarte à la crème. Nabucco, c'est l'histoire du peuple hébreu, n'est-ce pas? Et cette histoire ne peut, bien entendu, que se résumer à l'holocauste, et rien d'autre? Et nous aurons ainsi droit, en long, en large, comme dans toute production qui se respecte de Nabucco, mais aussi de La Juive, de Moïse et Pharaon, de Samson et Dalila et j'en oublie, à la Shoah. Car qui dit peuple juif dit extermination, point final, ne réfléchissons pas plus avant. Les hommes sont vêtus de manteaux noirs et de chapeaux mous, les femmes portent des valises, un landau traîne, abandonné, dans un coin. Tous les poncifs sont au rendez-vous.

Même si le systématisme irrite, avouons que la présente production, assez neutre, n'est pas si mal faite, avec un joli moment d'émotion lors du « va pensiero », pendant lequel chaque choriste tient devant lui une photo de victime des camps de concentration. Les décors sont perdus dans le noir et la seule chose qui fasse vraiment peur, c'est l'abominable complet veston bleu électrique du rôle-titre (au moins ne l'a-t-on pas grimé en Hitler!)

Mais, pour cette mise en scène rabâchée et revue, à quel extraordinaire instant de musique assistons-nous!

Certes, n'est plus de première jeunesse, la voix ne possède plus la gloire des grandes années, mais quelle ligne de chant, quelle autorité dans l'accent! Malgré les outrages du temps, ce baryton d'exception, après trente ans de carrière, emporte d'instinct l'adhésion. Bien usé également le Zaccaria de Giacomo Prestia, mais tout aussi stylé et souverain que son adversaire. Un Nabucco ne serait rien sans une Abigaille de bonne facture. Tout a été dit sur la torrentielle , pas si hurleuse qu'on a bien voulu le faire entendre, et même capable de nuances fort bienvenues, on ne peut guère lui reprocher que des aigus plafonnés et pas très juste, mais son personnage, incandescence personnifiée, brûle les planches, emporte tout sur son passage, y compris l'auditeur. Charmante Fenena au joli timbre profond de . Son Ismaele, personnage sacrifié de la partition, est beaucoup moins enchanteur et pour tout dire, pas franchement sexy : possède un timbre tout à fait banal, mais au moins, il assure.

On le sait, la véritable vedette de Nabucco, ce sont les chœurs, et ceux de l'Opéra de Vienne sont superlatifs. Incroyables de clarté, de précision, d'engagement. La grande classe. Mieux : la perfection. L'orchestre, sous la direction fougueuse de , est tout aussi impeccable, clair, attentif à la dynamique et aux contrastes. Un Nabucco électrisant, à ne pas manquer.

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