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Coffret Max Reger contre les idées reçues

Natif de Brand en Bavière, le compositeur est une sorte d'étoile filante énigmatique dans le monde de la musique. Formé à la solide école de Hugo Riemann, il devient dès 1893, professeur de composition au conservatoire de Wiesbaden. Sa carrière connaît ensuite une accélération fulgurante : directeur de la musique à l'université de Leipzig en 1901, il abandonne ce poste un an plus tard afin d'occuper les fonctions de professeur puis de directeur du conservatoire de la cité chère à Bach et Mendelssohn. En 1911, Reger est désigné directeur de la chapelle ducale de Meiningen où il succède au célèbre chef d'orchestre Hans von Bülow puis à Richard Strauss. En 1914, il se retire à Iena et il meurt inopinément deux ans plus tard, lors d'une tournée à Leipzig. Au cours des quarante trois ans de sa courte vie, Reger est l'auteur d'une œuvre considérable de 147 numéros d'opus qui regroupent près d'un millier de pièces. Fortement influencé par Bach, Beethoven et Brahms, le compositeur s'est concentré sur ses domaines de prédilection : la musique de chambre, le lied, l'orgue et le piano. Il aborda l'orchestre sur le tard et ne laissa aucune œuvre de théâtre. Maître du contrepoint qu'il pousse dans ses ultimes retranchements, Reger souffre encore d'une image caricaturale dans le monde « latin ». Pourtant sa musique n'est jamais lourde et ennuyeuse car l'artiste appréciait tout particulièrement la finesse des accords et la transparence des textures.

Ce présent coffret propose à un prix défiant toute concurrence une quasi intégrale de l'œuvre pour orchestre du compositeur par l'élite des musiciens de feu la RDA. Après une écoute globale on reste médusé par la maîtrise de l'art de la composition. Que ce soit dans les variations, les concertos, ou les pièces à programme, l'oreille est d'emblée séduite par la chatoyance, la luxuriance des timbres et les couleurs irisées des alliages entre les instruments. Aucune faiblesse ne vient perturber l'audition de ces presque sept heures de musique et quelques merveilles devraient s'imposer au répertoire. Les deux concertos pour piano et pour violon témoignent d'une très forte influence de Brahms pour les climats automnaux, pourtant ces deux pièces captent l'attention en dépit de leurs vastes dimensions. La concurrence discographique est inexistante pour le Concerto pour violon qui se pare ici des merveilleuses couleurs de la . Quant au Concerto pour piano, même s'il faut louer cette interprétation du pianiste Heinz Schunk dirigé par , il ne faut pas oublier les superbes versions de Rudolf Serkin (Sony) et Barry Douglas (RCA). Reger appréciait particulièrement l'exercice des variations sur un thème qui lui permettaient de montrer toute sa technique en matière de fugue. Les Variations sur un thème de Mozart de l'été 1914 apparaissent comme son chef d'œuvre du genre. Sans jamais trahir une certaine mélancolie mozartienne tirée de la Sonate pour piano K331, le compositeur sait créer huit impressions aussi différentes que fascinantes d'autant plus que le chef fait un sort à chaque note à la tête d'une en état de grâce. La Sinfonietta op. 90 est un autre sommet de la production de ce compositeur. Fruit de deux ans de travail, elle se présente comme une plantureuse symphonie d'une durée de cinquante minutes qui regarde autant vers Brahms qu'en direction de Beethoven. L'incroyable virtuosité de l'écriture et la hauteur de l'inspiration s'immiscent tout particulièrement dans le superbe troisième mouvement avec son solo de violon enchanteur.

En absence de toute concurrence, il est indispensable de fêter ce généreux coffret dont la qualité des prises de son est plus que satisfaisante.

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