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Véronique Gens pudique Tragédienne

On adorait ses Mozart, on était amoureux de ses Nuits d'été, et on avait presque oublié que avait commencé sa carrière en interprétant la tragédie lyrique, ou tout du moins, on ne pensait plus l'y voir revenir avec un tel éclat !

Et voici que la belle, la fascinante cantatrice retourne, en pleine maturité, à ses premières amours, en nous délivrant ses « tragédiennes », c'est à dire les plus beaux, les plus humains, les plus désespérés des personnages féminins hantant la tragédie lyrique.

Nous trouvons dans cette galerie de portrait des figures connues, la Clytemnestre et l'Armide de Gluck, celle de Lully, la Phèdre de Rameau, mais également d'appréciables raretés. Sont ainsi convoquées Isbé de Mondoville, Circé de , Zélide et Zaïde de Pancrace Royer. Amantes abandonnées, mères éperdues, amoureuses craintives, toutes femmes blessées sont rendues à leur chair et à leur sang, à la vie véritable, par l'art de , par l'émotion inouïe qui se dégage de son chant. Nous sommes cependant dans la tragédie lyrique, genre dominé par l'élégance du propos, la beauté des mots, la richesse de la prosodie, bien loin des épanchements tumultueux et désordonnés qui caractériseront les héroïnes de la période romantique. Ces tragédiennes sont avant tout pudiques dans leur détresse, tout comme l'est celle qui leur prête sa voix, et dont la retenue rend leurs plaintes plus poignantes encore.

On ne sait qu'admirer le plus dans la prestation de , cette incandescence toute de réserve, la plénitude du timbre, la délicatesse de l'ornementation ou la perfection de la déclamation (on ne perd pas une syllabe). Les couleurs et la palette d'expression semblent infinies. En parfaite osmose avec la cantatrice, de suivent, devancent, accompagnent ses moindres inflexions, avec une clarté et une transparence de sons, une justesse de tempo qui pourraient bien être la perfection absolue. Et pour que la joie soit complète, quelques chaconnes, passacailles et ouvertures sont insérées entre les airs.

Les œuvres, couvrant presque un siècle d'histoire de l'opéra français, sont présentées en ordre à peu près chronologique, donnant un véritable panorama de ce qu'écoutaient nos ancêtres entre 1686 et 1777, et permettant une véritable réflexion sur l'évolution de la tragédie lyrique : allongement du discours musical, complexification de l'harmonie…Excellente idée également de débuter ce CD par l'Armide de Lully pour la terminer par celle de Gluck, qui sont, rappelons-le, composée sur le même livret de Philippe Quinault : s'il était déjà possible de comparer les deux œuvres, l'interprétation de chacune d'elles par la même voix est tout bonnement fascinante.

Attention ! chef-d'œuvre !

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