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Un morceau d’Histoire pour Paul Sacher

Les célébrations du centenaire de la naissance du mécène et chef d'orchestre nous amènent un beau coffret commémoratif. fut une des personnalités les plus marquantes du siècle dernier. Musicien, il est le fondateur de l'orchestre de chambre et du chœur de chambre de Bâle puis du Collegium Musicum de Zurich. Mécène, il fut l'instigateur de dizaines de commandes aux plus grands compositeurs de son temps : Stravinsky, Bartòk, Martin, Berio, Honegger, Martinu, Carter, Boulez…Sa fondation éponyme lui permit d'amasser une considérable bibliothèque de documents touchants à la musique de son époque. Violoniste de formation, Sacher fut formé à la direction d'orchestre par le grand , un immense virtuose de la baguette et auteur d'un traité Sur la direction d'orchestre qui fait toujours école. Le jeune homme acquit ainsi une solide technique de direction qui lui permit d'affronter les partitions les plus modernes. Cet atout était considérable dans une Europe de l'après seconde guerre mondiale où les radios publiques disposaient de fonds pour financer la reconstruction musicale du vieux continent. Le chef d' orchestre tissa alors de solides liens avec la Radio Bavaroise et avec celle du Bade-Wurtemberg. Invité par les orchestres maisons, il composait des programmes d'une intelligence sans concessions.

Le coffret s'ouvre ainsi avec un programme exclusivement dédié à Stravinsky. Sacher se concentre en première partie sur des partitions sérielles et arides du dernier Stravinsky introduites par les curieuses orchestrations des madrigaux de Gesualdo. Le musicien sait rendre à merveille le hiératisme mystique de Abraham et Isaac et de A Sermon, a Narative and a Prayer. Ce concert se terminait par la Symphonie en trois mouvements, l'une des partitions chéries du chef d'orchestre. On connaît des interprétations plus cursives ( chez Decca), plus analytiques et minérales ( chez DGG) ou plus barbares (Guennadi Rojdestvensky chez Praga), mais Sacher sait construire avec clarté et logique cette pièce.

Le second disque, reflet de concerts donnés à Baden Baden, s'ouvre par une symphonie de Haydn. Sacher avait très tôt fréquenté les œuvres du « Papa Haydn ». Sa conception de la Symphonie n°39 donne un coup de vieux à de nombreuses interprétations baroquisantes. Nous sommes en 1961, mais le chef d'orchestre campe un Haydn rapide, nuancé et vif. Considéré par beaucoup de commentateurs comme « La » composition suprême de toutes celles initiées par le grand mécène, la Musique pour cordes, percussions et célesta de Bartok est interprétée par son créateur et dédicataire. Cette vision « authentique » dégage un souffle et une émotion peu communs. Entre ces deux pièces, ce disque nous propose des interprétations étincelantes du Requiem pour Lidice de Martinu et de la Ballade pour violoncelle et orchestre de , l'un des grands amis du maître.

À l'occasion du cinquantenaire de l'Orchestre de Chambre de Bâle, Sacher commanda à , une pièce pour violoncelle et orchestre qui fut créée par Rostropovitch en janvier 1977. Intéressant travail sur les timbres, Ritorno degli Snovidenia est un enchantement permanent porté par l'archet hautement inspiré du célèbre soliste. Peu enclin à l'esthétique néo-classique du groupe des Six, Sacher avait une certaine affection pour le petit opéra de , Les malheurs d'Orphée. Il dirigea cette œuvre pour son concert d'adieux bâlois en 1987. Cette création tombée dans un oubli quasi-total est une belle découverte grâce à la richesse de ses timbres et de son inventivité mélodique.

Le dernier disque fait la part belle au hautboïste et compositeur , compatriote et compagnon de route de . Si l'on peut passer sur une probe mais raide interprétation du Concerto pour hautbois de Mozart, il faut saluer l'orchestration noire, tendue mais romantique de Nuages gris et Unstern de . L'oreille pourra également se réjouir de Trum Musik avec Aurèle Nicolet en soliste. Cette musique, écrite sous l'influence du poète Hölderlin est une merveille sensorielle qui plonge l'auditeur au cœur d'apparitions et de songes. Face à une telle inspiration, la belle Aulodie de Wolfgang Fortner peine à s'imposer.

Accompagné d'un superbe livret, ce produit, exceptionnellement soigné, s'avère l'un des évènements éditoriaux de cette année 2006.

Nous signalons la publication en partenariat avec la fondation Paul Sacher, d'un très beau livre : Paul Sacher-Facetten einer Musikpersönlichkeit par les Editions Schott. Différentes analyses, une interview avec Paul Sacher, une chronologie et une discographie composent cet ouvrage (ISBN 3-7957-0454-5)

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