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La Vérité de Jeanne vol II

Excellente initiative de la part de René Kœring que de nous redonner à voir et à entendre Jeanne d'Arc au bûcher d' dans la très belle mise en scène de , une production qui, lors du dernier Festival, avait fait l'objet de trois représentations sous la baguette d'Emmanuel Krivine (lire la chronique de Maxime Kapriélian).

C'est , cette année, qui était à la tête de l'Orchestre National de Montpellier et hormis qui prêtait sa voix à Marguerite, la distribution, totalement renouvelée, offrait un plateau d'une homogénéité et d'une qualité irréprochables.

Plongeant la scène dans le noir des Ténèbres, Jean-Claude Scarpitta opte pour une mise en scène très épurée où « l'exaltation de l'essentiel aux dépens de l'accessoire doit tout subordonner à la manifestation de la vie intérieure ». L'œil écoute et se laisse porter par le mystère de cette » traversée de voix (voix parlées et chantées) qui viennent peupler l'espace vide du temple ». La lumière et la couleur – la tache rouge feu du dernier tableau faisant apparaître Jeanne en martyre – sont réservées à Jeanne et à frère Dominique dont le dialogue concentre l'intensité du texte de Claudel.

, très investie dans le rôle de Jeanne, compose un personnage mêlant la candeur virginale et l'illumination mystique dans un élan de sincérité et de simplicité très touchant qui est à la source de l'émotion présente tout au long du spectacle. A ses côtés, Frère Dominique – excellent Eric Ruf – personnage de pure fiction puisqu'il meurt à Bologne en 1221 – est convoqué par Claudel parce que certains des juges qui condamnèrent Jeanne appartenaient à l'ordre des Frères pêcheurs qu'il avait fondé. Victime aussi de la bêtise et de la cruauté des hommes, c'est lui qui tente d'élucider le mystère et nous guide dans ce kaléidoscope de situations et d'événements conçus par Claudel pour faire éclater le temps et l'espace : « Ce ne sont pas des prêtres, ce ne sont pas des hommes, ce sont des bêtes qui vont la juger ».

Le chœur, totalement dissimulé au départ, émerge peu à peu de l'obscurité jusqu'à la pleine lumière de la scène huit où voix d'adultes et d'enfants interprètent les deux chansons traditionnelles à travers lesquelles Jeanne évoque sa Lorraine natale et revit quelques instants de son enfance : moment clé de l'émotion vécu avec beaucoup d'intensité par lorsqu'elle tente à son tour de chanter le « Trimazô » sur des paroles qui s'étranglent dans sa gorge : « c'est moi qui vais faire le joli cierge ».

Mené de main de maître par avec une précision et un rythme parfaitement en phase avec le mouvement scénique, l'Orchestre de Montpellier réalisait cette union idéale entre le texte, le geste et la musique, « cette harmonieuse synthèse des deux aspects d'une même pensée » qu'Honegger appelait de ses vœux.

Crédit photographique : © Marc Ginot

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