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Chostakovitch par Claus Peter Flor, pleuré par les notes

La collection « référence » du label Berlin Classics remet au premier plan des enregistrements méconnus dirigés par .

Formé à Leipzig et élève des grands Kurt Sanderling et Rafael Kubelik, ce chef d'orchestre s'est rapidement imposé comme l'une des étoiles montantes de la musique en Allemagne de l'Est. Invité par les plus grandes formations du Bloc de l'Est, il se vit confier par le label Eterna (nom de Berlin Classics à l'époque communiste) quelques sessions d'enregistrements qui culminent dans une superlative intégrale des concertos pour piano et orchestre de Beethoven avec Peter Rösel en soliste. Très peu diffusée, sa Symphonie n°9 de Chostakovitch ne manque pas d'allure : bon choix des tempi, judicieuse gestion de la progression, et ironie assez mordante. Cette lecture au premier degré est bien convaincante en dépit d'une prise de son un peu trop « hall de gare ». On restera tout de même fidèle à Léonard Bernstein (DGG) et Dimitri Kitaenko (Capriccio) qui vont bien au-delà des notes.

Le sommet de ce disque réside dans une interprétation hallucinée et désespérée du Concerto pour violon et orchestre n°1 du maître russe. Composé en 1947-1948, alors que l'épuration stalinienne battait à nouveau son plein, cette partition correspond à une période douloureuse de la vie du compositeur. Accusé de « formalisme bourgeois » par les zélateurs du régime, il est au centre de campagnes de dénigrement. En raison de la condamnation générale portée contre l'œuvre de Chostakovitch, la partition ne sera créée qu'en 1955 par son dédicataire : David Oïstrakh. Sorte de symphonie en quatre mouvements avec violon obligé, cette pièce est empreinte de climats crépusculaires et désespérés comme si le créateur forcé aux pires compromis avec le régime jouait sa vie avec chaque note.

Le violoniste , est certainement, avec Oïstrakh, le meilleur serviteur discographique de cette pièce. Né à Dresde en 1960, formé en Allemagne et en Union soviétique, ce violoniste remporta de prestigieux concours internationaux avant d'embrasser une très belle carrière dans le monde germanophone. À coté de ses apparitions solistes, il est le fondateur du Neues Berliner Kammerorchester. Doté d'une technique irréprochable qui fait virevolter les notes du scherzo du concerto, l'artiste tend jusqu'à l'extrême le drame de cette musique. Visiblement pétrifié par le jeu du concertiste, l'Orchestre symphonique de Berlin et son chef lui tissent un écrin à la hauteur de son inspiration.

Vendu à prix réduit, cet enregistrement se doit d'être à la base de toute discothèque Chostakovitch.

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