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A vous de jouer

Festival Pablo Casals

C'est la petite église de Molitg, face au Canigou, qui accueillait pour le premier concert des après-midi de Prades – une sorte de Festival Off – cinq maîtres de l'Académie Internationale délaissant pour un temps les classes du lycée de Prades où ils officient pour venir jouer en duo des pièces choisies hors de la thématique officielle et qui nous permettaient d'apprécier les talents conjugués de ces fabuleux interprètes.

, éminent chambriste lituanien partageait le clavier avec Natsuko Inoué, pianiste japonaise – son épouse – dans la Fantaisie pour 4 mains en fa mineur de , une œuvre de la dernière année de sa vie dédiée à la comtesse Caroline Estherhazy, amour impossible de Schubert qu'il tentera de sublimer en une union spirituelle. C'est tout le contenu émotionnel du thème d'une nostalgie infinie qui traverse cette œuvre sublime, vision tragique et bouleversante d'une existence dont les deux pianistes vont accuser les contrastes dramatiques et nous faire vivre avec fougue les tourments intérieurs. La Sonate pour hautbois et piano de suivie par l'Epitaphe pour hautbois et piano de Witold Lutoslawski nous révélaient l'immense talent du hautboïste Stefan Schilli, actuellement professeur à l'université « Mozarteum » de Salzbourg. Accompagné par Natsuko Inoué dans la Sonate que Poulenc n'entendra pas de son vivant, Stefan Schilli dosa subtilement sa palette de couleurs pour passer du ton élégiaque et grave des mouvements extrêmes à la gaîté pimpante du Scherzo évoquant par ses tournures enjouées le personnage si touchant de Constance du Dialogues des Carmélites. L'Epitaphe de Witold Lutoslawski qu'interprétait Stefan Schilli aux côtés de Denis Weber est une œuvre étrange et singulière dans laquelle le hautbois dialogue avec le piano en une conversation secrète et cryptée dont les deux musiciens mirent en valeur la portée mystérieuse et interrogative.

revenait sur scène avec le violoncelliste pour terminer le concert avec la Sonate de op. 6, une œuvre composée l'année de son baccalauréat – on connaît la maturité précoce de l'artiste – dont l'écriture met à profit tous les acquis d'une solide formation telle cette fugue bien conduite à la fin du premier mouvement : une occasion pour les deux interprètes en synergie parfaite de mettre en valeur l'éclat et la rigueur de leur jeu respectif. Après un Andante fort bien tourné, le Finale qui remportera tous les suffrages d'un public tenu en haleine, préfigure les tournures alertes du poème symphonique Till l'Espiègle. Avec une aisance souveraine et une étonnante maîtrise d'archet, se joua des détours capricieux de l'écriture straussienne assumés avec autant d'énergie et d'enthousiasme par son partenaire…pour accéder à l'un de ces instants privilégiés que l'on vient partager au Festival de Prades avec ses interprètes d'élection.

Crédit photographique : © Festival de Prades 2006

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