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La bravoure des chanteurs dans Il Turco in Italia

Fidèle à son désir d'offrir au public lausannois des œuvres lyriques divertissantes, ouvre sa seconde saison à la tête de l'Opéra de Lausanne avec un opéra de Rossini qui, sous ses aspects de folle comédie, reste néanmoins un monument du chant rossinien.

Malheureusement, de la folle comédie, de la bouffonnerie, le discours scénique aussi bien que musical de cette production d'Il Turco in Italia se révèlent décevants. Après un démarrage en fanfare (remarquable arrivée du paquebot de Selim en projection et dont la proue surgit soudain sur le côté de la scène), la mise en scène de devient rapidement conventionnelle, pour se dégonfler lamentablement et s'avérer inexistante dès le second acte. Musicalement, la direction incertaine de rend l' méconnaissable. Cet ensemble d'habitude si lumineux, si à l'aise dans les musiques du XVIIIe siècle, est comme écrasé, aplati, sans brillant ni couleurs. Variant sans cesse ses tempi, outre à détruire la ligne mélodique rossinienne, le chef italien sème le trouble parmi les chanteurs qui se retrouvent en décalages fréquents avec l'orchestre. Comme si le manque de direction d'acteurs ne suffisait pas, la caractérisation musicale des personnages semble ne pas avoir été sérieusement prise en considération. Ne reste alors que la bravoure et le talent des solistes pour sauver le spectacle d'un naufrage certain. Mais, The show must go on !

Pourtant si le plateau vocal reste d'un très bon niveau, rares sont les voix en accord complet avec l'idiome rossinien. D'abord impressionnante d'agilité, vocalisant avec une aisance déconcertante, la soprano Inga Kalna (Fiorilla) finit par crisper. Elle chante Rossini comme une soubrette d'opérette. Or Rossini n'est pas Offenbach. Il est bourré d'italianité, et la soprano n'a pas cette sensibilité. Peut-être qu'un vibrato court et un peu irritant, un registre de soprano coloratura ne conviennent pas au rôle qu'on lui a confié. En revanche, même si sa technique vocale n'est pas aussi éblouissante que celle de sa collègue, la jeune est parfaitement coulée dans son personnage. Elle en montre une totale compréhension vocale et scénique, même si le costume qu'elle porte n'a rien à voir avec la cartomancienne qu'elle incarne. Chez les messieurs, Simone Alaimo (Selim) est l'incontestable vedette du spectacle. Il en joue d'ailleurs un peu trop. Oubliant au passage d'être un musicien, il a la fâcheuse tendance à tout chanter forte et à couvrir de sa puissance vocale la voix de ses collègues. Agacé par les tempi que le chef et l'orchestre lui refusent, contraint de marquer le temps avec sa jambe et son pied, la concentration de la basse italienne s'en voit perturbée, l'empêchant de donner le meilleur d'un instrument qu'on sent de qualité. Plus décontracté, ayant choisi de faire son spectacle à lui tout seul, le baryton (Prosdocimo) jouit d'un abattage dans l'esprit de la farce rossinienne et sa voix claire et chantante en fait le personnage le mieux typé de cette production, même si parfois son émission souffre d'un manque de technique vocale. Malgré sa verve théâtrale, parlant plus qu'il ne chante, le baryton (Geronio) ne peut plus cacher une voix irrémédiablement perdue. De son côté le ténor (Don Narciso) s'efforce de coller à un rôle qu'il n'intègre pas, lançant à la cantonade des aigus stridents rarement en phase avec l'esprit de l'œuvre. Complétant le tableau vocal masculin, le ténor italien Davide Cicchetti (Albazar) tient son rôle avec allant alliant une étrange et plaisante vocalité à une parfaite diction.

En conclusion, un spectacle inaccompli (faute de temps ?) que le metteur en scène aurait intérêt à retoucher ne serait-ce que par honnêteté artistique.

Crédits photographiques : © Marc Vanappelghem

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