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L’Esule di Granata, l’oublié de Meyerbeer

Il est toujours étonnant d'observer comment certains passionnés réussissent à déplacer des montagnes simplement pour faire passer leurs messages. C'est le cas des producteurs du label Opera Rara. Avec leur petite équipe de lyricomanes, ils exhument de tiroirs poussiéreux d'obscures bibliothèques des partitions perdues depuis des centaines d'années pour les faire revivre dans leur collection discographique.

C'est le cas de cet oublié L'Esule di Granata qui, par un étrange et malheureux concours de circonstances, a vu sa production n'être jouée qu'une seule fois après sa création à La Scala de Milan en 1822, pour disparaître définitivement jusqu'à son exhumation récente. Meyerbeer lui-même en était désolé et il emprunta quelques pages de cet opéra déchu pour les insérer dans d'autres de ses compositions.

Si cette réédition de quelques pages de l'opéra ne va pas marquer l'histoire de l'art lyrique, elle comprend toutefois quelques moments d'un intérêt musical certain. Le plus passionnant est sans conteste l'ouverture qui comporte une élaboration musicale très inventive et peu commune aux opéras de cette époque. Dans l'enregistrement, d'une grande qualité technique, la distribution est d'une belle tenue, avec le ténor Paul Austin Kelly (Alamar) en très bonne forme. Son chant rossinien délié, sans agressivité vocale, ses aigus sans stridences aucunes fait merveille. À ses côtés, la soprano américaine (Azema) aborde la partition avec une belle aisance sans toutefois convaincre totalement dans l'esprit qu'elle pourrait donner à son personnage. Mais que la voix est belle et que ses aigus sont solaires ! Habituée des enregistrements d'Opera Rara, offre sa voix de « véritable » mezzo à la jeunesse masculine du roi Almanzor. Remarquable, sa romance « Cedi alla sorte e stringimi »…

Si le chant semble très favorisé dans cet enregistrement, c'est un peu au détriment de l'orchestre de l' dont la direction parfois trop discrète de nous prive des qualités de cet ensemble.

Comme nous le notions plus haut, cet enregistrement, malgré ses belles qualités, ne fera pas date dans la discographie de l'art lyrique sauf que, comme de coutume, Opera Rara se fend d'un livret d'une tenue exceptionnelle, tant au point de vue de la présentation graphique que du contenu. Outre son livret, et l'argument de l'opéra, l'histoire de cette œuvre est rapportée avec une infinité de détails intéressants (malheureusement en anglais seulement) et la genèse de l'opéra agrémentée des réactions critiques de la création à La Scala.

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