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Orchestre de la Suisse Romande et Radu Lupu

En tournée européenne ces jours-ci, l' (OSR) était en visite à la Philharmonie de Luxembourg avec deux des plus grandes œuvres de musique française de leurs siècles respectifs.

Véritable concerto pour orchestre, les Métaboles de Dutilleux sont une superbe occasion pour les pupitres de l'OSR de faire la preuve de leur excellence, dans une œuvre aux solos multiples et très élaborés, mettant en jeu l'ensemble de l'orchestre. Œuvre roborative et virtuose, les Métaboles exigent une cohésion, une sûreté d'intonation et une concentration impeccables. Sous la baguette à la précision millimétrique de , c'est peu de dire que l'OSR ne déçoit pas : cuivres et percussions sont resplendissants, les cordes ont une sonorité ronde, pleine, et intense, et leur ductilité fait merveille. L'ensemble donne une merveilleuse impression de flamboyance, de liberté et de plaisir sensuel.

Lâché par sa maison de disques depuis près de dix ans, n'est plus sous les projecteurs de l'actualité, mais on aurait tort de le négliger, car il reste un grand maître en matière de piano classique et romantique, et ses concerts sont des événements à ne pas rater. Comme l'orchestre dans les Métaboles, livre une interprétation sur laquelle souffle un vent de liberté et d'improvisation, guère étonnant puisque parcourt avec ces concertos de Beethoven toutes les salles avec tant d'orchestres depuis si longtemps. Il aborde ce concerto en poète et en musicien bien plus qu'en simple pianiste. Et il est d'ailleurs rare d'entendre un pianiste aussi intégré à l'orchestre, qui instaure un dialogue aussi franc et intime avec les autres musiciens. Le chef semble un peu inutile, car Lupu donne souvent les départs, d'un geste ou d'un regard, et ses phrasés libres et souples inspirent à l'orchestre un lyrisme agile et sensible qu'il n'aurait peut-être pas s'il ne suivait que la baguette de Janowski. Ce n'est pas ce soir à un concerto de combat que l'on assiste (l'œuvre s'y prête pourtant aussi), mais bien à un concerto de partage, et si les amateurs de fulgurance pianistique et de confrontation d'ego restent sur leur faim, on donnerait beaucoup pour entendre plus souvent dans cette œuvre des sonorités aussi ensorcelantes et un mouvement lent aussi tendre, dit sur le ton de la confidence entre amis.

Retour à la musique française après la pause avec la fameuse Symphonie de . L'OSR est à l'aise dans cette symphonie qu'il vient d'enregistrer sous la direction de son chef titulaire. Le disque vient de sortir chez Pentatone, couplé à la Symphonie de Chausson, en concurrence frontale avec le disque de Louis Langrée et de l'Orchestre Philharmonique de Liège chez Accord. dirige cette Symphonie en privilégiant un tissu orchestral très dense, accordant toute son attention à des cordes au son grave et profond. Il obtient de ses troupes un «fondu» orchestral tout à fait splendide, intégrant à merveille les différents groupes instrumentaux et servant bien la fameuse technique d'orchestration «d'organiste» de Franck. On peut préférer une version plus transparente et plus aérée de cette œuvre, qui est ici abordée par son versant germanique, mais cette interprétation un peu lourde, mais qui joue sur la pure beauté des sonorités et sur la continuité du flux orchestral est parfaitement convaincante en concert.

L'OSR est encore une fois impressionnant de cohésion et de puissance, cordes au grain serré et à la sonorité très étoffée, cuivres homogènes, au son riche et patiné. Les bois par contre, sont moins marquants : ils jouent bien mais sont relativement effacés, et n'ont pas une personnalité sonore très marquée. Un concert remarquable, qui nous semble porteur de beaucoup d'espoirs pour la réussite de à la tête de l'OSR. Sous sa direction, l'orchestre pourrait bien retrouver les beaux rôles qu'il a tenus sous les glorieux mandats d'Ernest Ansermet et d'Armin Jordan.

Crédit photographique : © Sébastien Grébille

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