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Le Téléphone-Amelia al Ballo de Gian Carlo Menotti, Tintin à l’Opéra

Des draps noués descendent des cintres jusqu'à la corniche d'un immeuble circulaire. Un jeune homme à la houppette, vêtu d'un pull bleu ciel et de pantalons-golf bruns glisse le long de ce cordage improvisé.

Dans sa lente course, d'une main, il salue le public. L'esprit de la farce est donné. Tintin est à l'Opéra. Mettant en scène avec humour cette Amelia al Ballo, le directeur de l'Opéra de Lausanne s'ingénie avec talent dans ce petit chef d'œuvre de . Pastiche ?

Si la comédie de Menotti est un d'un comique un peu gros, sa musique reste d'une fraîcheur imparable. Truffé de citations tant pucciniennes que verdiennes, d'un style et d'un langage musical traditionnel, cet opéra défile ses airs, insérés entre des récitatifs à l'esprit ironique, pour souligner l'intention satirique de l'intrigue. S'appuyant sur les membres de la troupe Envol, des chanteurs recrutés sur audition participant à la saison de l'Opéra de Lausanne pour leur offrir l'occasion d'une première ou toute première expérience professionnelle, profite avec goût du matériel physique de ses hôtes pour les insérer habilement dans cette comédie. Ainsi le physique imposant de la basse David-Alexandre Borloz le désigne immanquablement pour le rôle d'un commissaire de police costumé comme un bienvenu et moustachu Sergent Gracia débarqué d'un hypothétique épisode de Zorro. Pour la capricieuse Amelia, prête à vendre son amant à son mari au seul dessein d'être emmenée au bal, qui de plus indiqué qu'une blanche Marilyn Monrœ ondulante de la croupe ? Excellente comédienne, la soprano s'insère dans ce rôle avec un abattage extraordinaire. Capable de colorer sa voix au fil des situations, passant de l'enjôleuse à la peste avec une aisance stupéfiante, elle domine le plateau avec une musicalité et un sens comique remarquables. Sans Milou, le Tintin de Davide Cicchetti est un amant tendrement gauche et empressé. Même si sa voix doit encore s'assouplir, il confirme la très bonne impression laissée dans sa précédente prestation lausannoise (Il Turco in Italia). En mari trompé et jaloux, le baryton apparaît parfois vocalement emprunté. Avec des aigus un peu serrés, une vocalisation manquant d'agilité, une accentuation vocale parfois trop noire pour le rôle, il chante avec une dramatisation un peu affectée.

En première partie, l'amusant Le Téléphone (en version française) est une œuvre permettant de découvrir un compositeur malheureusement trop rarement programmé par nos maisons d'opéra européennes (la production de Maria Golovin à Marseille apportant un heureux démenti). Là encore, brosse un tableau divertissant de ce « dialogue de sourde ». Devant un panorama de gratte-ciels, un immense appareil téléphonique trône au milieu de la scène. S'en servant comme d'un canapé, l'excellent Benoît Capt (Ben) tente de poser une demande en mariage à Katia Velletaz (Lucie). Continuellement interrompu par la sonnerie du téléphone, sa compagne se perdant en d'interminables et futiles conversations, Ben quitte la pièce de guerre lasse. Alors que l'amour semble perdu, le prétendant se ravise et juge plus efficace de capter l'attention de sa fiancée à travers l'engin même de leur séparation. Tout est bien qui finit bien, il exposera avec succès sa démarche amoureuse au téléphone. Si le trac semble rendre hésitantes les premières notes du baryton genevois, sa voix s'ouvre bientôt pour offrir un chant dont le phrasé s'avère de très belle qualité. Lui donnant la réplique, la soprano Katia Velletaz fait preuve d'une jolie technique vocale. Si sa prononciation laisse parfois à désirer, force est de reconnaître la quasi-impossibilité de rendre intelligible la langue française dans le registre aigu de soprano.

Autre artisan de cette réussite, le chef dirige avec allant un brillant et disponible . On ne saurait que trop recommander d'assister à la reprise parisienne de ces deux opéras en mars et avril prochain.

Crédits photographiques : © Marc Vanappelghem

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