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Hasse le sage chez les incurables

Ce très beau disque va peut-être lutter contre l'oubli, voire le quasi-abandon, dont est victime . Des quatre Ospedali qui accueillent les jeunes filles à Venise, l'Ospedale delle incurabili est celui dont le niveau musical est le meilleur. Hasse est très célèbre et convoité dans toute l'Europe. Il accepte toutefois la haute charge de maître de chœur de l'Ospedale delle incurabili vers 1736, charge à laquelle son maître Nicolas Porpora (1686-1768) lui-même, l'avait précédé. Il composera pour les artistes de cet institut de fort belles partitions. Ce petit oratorio en latin se réfère à un épisode de conflit entre Moïse et les hébreux qui mettent en doute la parole Jahvé. La punition sera terrible : des serpents de feu tuent les hébreux mécréants. Mais une solution est proposée à ceux qui reviennent dans le droit chemin, ce qui permet une fin heureuse. Il existe une guérison pour les incurables… Le lieu était bien choisi !

L'oratorio se termine sur une exhortation de l'ange à garder en mémoire la nécessité de respecter la parole donnée. Après tous ces débordements vocaux dignes de l'opéra, le chœur des incurabili entonnait, ou plutôt susurrait ensuite un Miserere.

Hasse utilise un orchestre à cordes au grand complet et une basse continue généreuse. Il exige trois soprani et trois contralti de très haute virtuosité. Cette partition est très équilibrée, très construite, et en ce sens paraît très classique. Par contre, il n'y a rien de vraiment nouveau qui nous fasse dresser l'oreille. Les airs se succèdent (tous avec grand da capo), les récitatifs sont variés, souples et efficaces, il y a même un très agréable duo.

Ce disque a été enregistré lors d'un concert à l'Abbaye d'Ambronay le 18 septembre 2005. Il a du être stupéfiant ! La réalisation musicale est tout simplement parfaite. Les voix sont bien choisies pour leurs couleurs variées. Tous sont d'époustouflants virtuoses. Mention particulière pour le premier air très délicat de l'ange de Valérie Gabail, et l'air de terreur de Nathanaël par Stéphanie d'Oustrac qui décrit la punition divine. Le timbre très sombre et la vaillance d'Anette Markert font également merveille dans l'aria di tempesta de Moïse et dans son air final de réconciliation. et ne sont pas en reste. Le concert se déroule très agréablement avec une théâtralité mesurée. , grand chanteur, qui a enregistré avec les plus grands chefs, dirige avec clarté et efficacité cette belle musique. Il arrive à impulser une sagesse classique dans cette vocalisation débordante de virtuosité et évite toute monotonie de l'orchestre malgré l'absence de vents et de cuivres. Les chanteurs semblent toujours soutenus par un geste souple permettant de très agréables phrasés et une belle complicité entre l'orchestre et les chanteurs.

Le livret qui accompagne le CD est beau et très bien documenté. Il est très agréable à manipuler et lire.

Merci à cette équipe de virtuoses pour la redécouverte en première mondiale d'une belle partition de Hasse nous laissant entrevoir l'un des plus brillants compositeurs d'opéra du moment.

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