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Das Rheingold à Cologne

L'un des événements musicaux de ce week-end en Europe se passait certainement à Cologne, dont l'opéra municipal montait la Tétralogie de Wagner en deux jours.

Faire le Ring en deux jours, c'est un pari que Cologne avait déjà tenté pour la première fois l'année dernière. Devant le succès de cette première tentative, qui avait attiré un très nombreux public de wagnériens d'un peu partout en Europe, l'Opernhaus de Cologne a remis le couvert cette année, rencontrant encore un impressionnant succès public international. On entendait de nombreuses langues différentes dans les allées aux entractes, en particulier le français, et d'après ceux qui étaient déjà présents il y a un an, la distribution en partie renouvelée de cette année était plus forte et plus homogène.

Les différents volets de cette production du Ring ont été créés à partir de décembre 2000 à Cologne, et ont également été vus à la Fenice de Venise. L'action est transposée dans un monde d'après catastrophe, avec champs de ruines et paysages désolés, dans lequel troupes régulières, dont Wotan est le général, et bandes armées se disputent les vestiges de la civilisation. La première scène fait un peu peur pour la suite : le Rhin est représenté par un dépotoir sur lequel règnent les filles, mi-prostituées mi-toxicos, collants troués, cheveux sales, envahies de poux et morpions. Le monde de ce Ring est misérable mais cohérent, le juste éclairage est trouvé pour que chaque scène soit bien caractérisée. Ainsi, le deuxième tableau de ce Rheingold est une réunion de chantier, sur lequel les ouvriers arrêtent leur travail dès que le maître d'œuvre fait mine d'hésiter à régler la facture. Quelques détails sont un peu inutiles mais dans l'ensemble la direction d'acteurs est intéressante et bien faite.

La distribution fait appel à bon nombre de jeunes chanteurs. Pour cet Or du Rhin en matinée, on est même frappé par l'homogénéité de ce plateau, qui dispense quelques belles satisfactions. Parmi celles-ci, tout d'abord le très lyrique Loge d', triomphateur de ce premier volet, qui campe son personnage avec art, et qui avec son timbre ensoleillé, sa voix puissante et son chant stylé et gracieux est tout le contraire des ténors malingres, à la voix fatiguée qu'on entend trop souvent dans ce rôle de caractère. Très bon également, le Donner de , avec sa voix franche et puissante, aux aigus faciles, et son timbre agréable. Le rôle est court, mais il est solaire durant l'entrée au Walhalla, et on se régale déjà d'avance de l'entendre plus longtemps en Gunther le lendemain. (Froh) fait également bonne figure, de même que la Freia fragile mais ardente de Machiko Obata, et que les trois Filles du Rhin, aux voix sonores, et richement timbrées. Citons encore Oskar Hillebrand, à la voix assez rocailleuse, mais qui soigne son chant, et évite d'aboyer, même dans les passages les plus difficiles. Les deux géants sont très honorablement tenus, avec un Fafner générique mais sonore, et un Fasolt qui manque un peu de coffre dans les graves, mais dont le chant généreux et humain est très émouvant. A côté de toutes ces réussites, il faut regretter sans que ce soit trop gênant, une Erda chevrotante (Anne Pellekoorne), une Fricka indigeste, à la ligne de chant anarchique (), ainsi qu'un Wotan usé jusqu'à la corde, au chant caoutchouteux, et au vibrato envahissant (Phillip Joll).

Dans la fosse, , l'actuel General Musikdirector de la Ville de Cologne fait un travail très propre, en tenant bien son plateau. Il adopte des tempi globalement rapides, et sa direction ne manque pas d'allure, mais il laisse parfois la tension retomber en ne prenant pas l'œuvre d'un seul tenant, mais comme une succession d'épisodes. L'Orchestre du Gürzenich est un bon ensemble, cohérent et concentré. Même si ce n'est pas toujours la fête des timbres, et si les cuivres ont des faiblesses passagères, l'orchestre fait honneur à son rang.

Enfin, quel plaisir d'être dans une salle aussi attentive et passionnée, dans laquelle le public ne fait pas acte de présence par obligation sociale ! Les applaudissements à la fin de ce beau Rheingold sont des remerciements pour la représentation qui vient d'être jouée, mais surtout des encouragements pour ce qui est encore à venir.

Crédit photographique : © Klaus Lefebvre

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