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Siegfried à Cologne

Pas de grasse matinée pour les wagnériens ce dimanche à Cologne, puisque dès dix heures, ils étaient conviés au théâtre pour Siegfried, un copieux petit déjeuner.

Ce troisième volet nous semble le moins abouti de la série. Pourtant, scéniquement le début est réussi : le premier acte se passe dans une casse ou un camping désaffecté, avec une caravane au milieu des gravats, des bassines et des vieilles ferrailles. Le tableau est plutôt sordide, mais il montre bien la condition de paria retiré du monde de Mime, et dans ce décor, la direction d'acteurs est vive, variée et pleine d'humour. La suite n'est malheureusement pas aussi percutante. Le décor du deuxième acte est trop sommaire : des poteaux coupés à différentes hauteurs et dressés vers le ciel font une forêt bien peu crédible, car ils ont tous le même diamètre. De plus, ils sont mal répartis, et ceux placés sur le devant de la scène auraient dû être plus courts, afin de ne pas masquer la vue. Tout cela manque autant de poésie que de réalisme. Le début du troisième acte est un peu fastidieux, avec une rupture de la lance de Wotan (ici une canne à pommeau d'argent) par Siegfried assez maladroite, mais la fin est meilleure. Siegfried traverse les flammes, et rejoint Brünnhilde, allongée sur un sol nu en terre battue de couleur chaude. C'est beau, simple et sensuel, et rappelle une des meilleures mises en scène de , Jenufa au Vlaamse Opera, dont la scène finale donne la même impression de libération et de bonheur.

Du côté des chanteurs, c'est également un peu moins passionnant que la veille, car personne ne réalise de prestation vraiment mémorable. On retrouve sans plaisir Phillip Joll en Wanderer, toujours aussi pâteux, ainsi que la trémulante Anne Pellekoorne en Erda, qui passe la serpillière dans le palais de Wotan. Leur dialogue est sûrement la partie la plus fastidieuse de ce Ring, d'autant que visuellement, cette scène grise, triste et prosaïque n'a pas grand attrait. Les autres sont meilleurs, à commencer par l'Alberich très bien tenu d'Oskar Hillebrand, et par le Fafner peu mémorable mais correct de . Mime est interprété par , au timbre un peu ingrat, mais qui chante juste, et caractérise son personnage, tant vocalement que scéniquement. Ses talents d'acteurs sont bien mis à contribution dans la scène très drôle durant laquelle il prépare le poison qu'il destine à Siegfried.

tient le rôle de Siegfried, avec talent, et de façon très crédible. La voix n'est pas extraordinairement séduisante, d'émission un peu dure, mais le chanteur est vaillant, puissant et endurant, les aigus sont justes et forts, et il sait faire preuve de souplesse et de légèreté quand c'est nécessaire. Il est à son meilleur dans les pages les plus douces : son dialogue avec l'oiseau (une jolie ), ainsi que le réveil de Brünnhilde, où il se montre tendre et héroïque. Barbara Schneider-Hofstetter est une Brünnhilde très différente de celle d'Irène Théorin qui tient le rôle dans les autres volets : la voix est plus sombre et plus charnelle, avec des graves bien présents, mais une ligne de chant un peu relâchée, manquant de distinction, et des aigus un peu scabreux. Sa prestation est cependant séduisante et intéressante, même si elle souffre un peu de la comparaison avec sa collègue, qui évolue à un niveau bien plus élevé.

La direction de est solide et puissante, vive et précise au premier acte, mais manque un peu de couleurs et de poésie dans les deux suivants. Le Gürzenich-Orchester se tire encore une fois avec les honneurs de ces longues heures de musique. Les cordes sont belles et très homogènes, phrasant avec beaucoup de soin, et les cuivres sont brillants et font peu de fautes. Petit bémol pour les bois, de sonorité assez aigre, et assez souvent en problème d'intonation.

Après plus de douze heures de musique, le public de ce Ring est toujours aussi nombreux (les travées sont toujours pleines, et personne ne semble avoir déclaré forfait), et toujours aussi fervent, applaudissant frénétiquement chaque protagoniste de cette représentation de bon niveau.

Crédit photographique : © Klaus Lefebvre

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