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Tous furent à la hauteur ce soir

Pour son concert d'abonnement, l' a fait appel à deux jeunes talents qui ont déjà fait leur preuve malgré leur fraîcheur d'age, le pianiste français Jonathan Gilad et le chef norvégien Eivind Gullberg Jensen. Et pour assurer la difficile partie de basse de la Symphonie « Babi Yar » c'est le très expérimenté baryton-basse russe , né en 1946 dans le Leningrad de l'époque, qui a été choisi, comme il l'avait été par Kurt Masur pour la même œuvre au Théâtre des Champs-Élysées en octobre 2006. Disons tout de suite que les programmateurs n'ont pas eu à regretter ces choix tant les trois musiciens se sont montrés à la hauteur de la tâche.

Plus d'une fois remarqué dans ces colonnes, ainsi qu'au travers un très remarquable enregistrement des Trios de Mendelssohn avec , s'est montré un fin mozartien, usant d'un phrasé d'un naturel et d'une simplicité marqués par l'évidence, laissant toujours passer l'émotion, en particulier dans tous ses passages solo à découvert qui nous faisaient tendre l'oreille avec ravissement. L'accompagnement de l'orchestre à la fois sans surprise et impeccablement musical était parfaitement en phase avec le soliste, culminant dans un Andante fort réussi. On pourra néanmoins regretter que le contraste entre la partie Allegretto et Presto du final n'ait pas été un peu plus marqué ce qui aurait donné un peu plus d'animation à ce mouvement. Comme on regrettera ce surplus de dynamique, de présence et d'intensité sonore qui a manqué à tout le concerto. Car il faut bien avouer qu'une fois de plus nous avons eu le sentiment que l'orchestre – et le piano – mozartien étaient un peu perdus dans le vaste volume de la salle Pleyel nous coupant du contact charnel avec le son, donc d'une partie – fondamentale ! – de la musique. L'Impromptu de Schubert joué en bis nous a laissé la même sensation de belle musicalité amoindrie par un son trop ténu.

Ce contact physique avec le son était retrouvé dans , avec un orchestre deux fois plus nombreux (et même plus sur certains pupitres) qui remuait enfin la grande masse d'air de Pleyel. D'autant que l'orchestre s'y est donné à fond, avec de très remarquables percussions que, cette fois, nous applaudirons des deux mains après avoir, été plus d'une fois critique sur la prestation « timide » des timbales relevée dans de précédents concerts. Comme quoi quand on veut, on peut ! Et heureusement car rater ou négliger les percussions dans cette symphonie est ruiner l'interprétation tout entière. Rien de cela ce soir, en plus les cuivres et les bois, même si ces derniers ont été un peu couverts par endroits, ont été irréprochables. Quant aux cordes, à l'ensemble impeccable, on regrettera là aussi un léger manque de puissance dans les moments culminants ainsi qu'une absence relative de tension, de rugosité, d'âpreté, qui sied si bien à cette musique. Le jeune chef, qui a impeccablement tenu tout son monde à la baguette, a choisi une option interprétative favorisant les contrastes de tempo et de dynamique, ce qui satisfera sans doute le néophyte découvrant l'œuvre (et il y en avait sûrement bon nombre ce soir, Chostakovitch n'étant pas encore aussi connu que Beethoven), lui évitant ainsi tout ennui, mais qui pourrait paraître au familier de l'œuvre un peu trop étirée ici, un peu trop précipitée là. Mais ce fut quand même une excellente prestation orchestrale. Quant au soliste il a réédité sa réussite du concert Masur, diction et intonation impeccable, puissance et couleur vocale adéquate, expression juste, que demander de plus. Si ce n'est un bon chœur d'hommes … et bien il était excellent ce soir, faisant de cette interprétation, malgré les quelques légères réserves que nous avons émises, une réussite saluée avec enthousiasme par le public.

Crédit photographique : © Paul Bernhard

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