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Un ballo in maschera à Montréal

L'Opéra de Montréal ouvre sa vingt-huitième saison avec une excellente production d'Un Ballo in Maschera, mélodrame de Verdi, où se mêlent – ici dans son contexte suédois – les ingrédients qui font toujours recette.

La conjuration politique contre un pouvoir, sans doute despotique, et la passion amoureuse réciproque de Gustave III et d'Amelia, l'épouse fidèle d'Anckarström. L'opéra a pour thème l'amitié trahie, où interviennent les prophéties de la sorcière Ulrica prédisant l'assassinat du roi. Mais l'œuvre, aux contours tragiques, intègre habilement les éléments bouffes. On pense notamment au désinvolte Oscar, page quelque peu insouciant des dangers qui guettent le roi – n'est-il pas celui qui provoquera bien malgré lui, la mort de Gustave III ? – mais aussi le quintette du second tableau qui impose au ténor le tour de force de mêler le rire au chant. Pourrions-nous ajouter la scène des conspirateurs où le ton ironique semble préfigurer celui de Falstaff ?

On nous annonce avant le lever du rideau que le ténor est indisposé. Cela ne s'entend guère, et dès son air d'entrée, dans le brillant «Ogni cura si doni», c'est une voix qui rallie rondeur et justesse, pleine de sève, dynamique, toute en relief, au faîte de ses possibilités vocales. On traverse avec lui les styles et les émotions dans un parcours presque parfait. Le «Di scherzo od è follia», est chanté avec grâce, d'une voix énergique, avec une bonne projection jusqu'à l'air final. Mais sa qualité première est de faire ressortir le théâtre sur scène. D'ailleurs, cette production brille par une grande homogénéité des voix. Point de faiblesse à signaler. , dont on déplore trop souvent l'absence sur nos scènes lyriques est une formidable Amelia, amoureuse éperdue qui tente de s'arracher par magie à cet autre sortilège qu'est l'amour. C'est une des plus belles voix de soprano verdienne. On lui doit ici, une interprétation émouvante malgré un jeu souvent statique. Mais l'émotion est à son comble lorsqu'elle est contrainte de tirer au sort, le nom de l'assassin du roi. La femme n'est pas dupe, mais victime du complot des hommes. Quant au baryton , il possède la carrure du personnage, – d'abord du loyalisme aveugle dont il témoigne, puis croyant qu'on lui a dessillé les yeux, d'une violence implacable qui se retourne contre le roi – dans une interprétation tout d'un bloc, pleine de rudesse, à prendre au premier degré. Notons toutefois, que la voix se fait plus âpre d'acte en acte. On serait tenté de mettre dans le même chaudron, celui de la sorcière Ulrica de la mezzo-soprano .

Dans un décor rouge flamme, ses incantations sauvages stigmatisent le petit groupe qui l'observe. Enfin, dans le rôle travesti du jeune page Oscar, la soprano campe un personnage parfois drôle, souvent enjoué, toujours vivifiant. La voix est claire, fleurie et fort agréable à entendre. Retenons son air à vocalises au dernier acte, «Saper vareste» – où elle va jusqu'à trahir le déguisement du roi, – on sent un malaise, une fébrilité, quelque chose d'inconscient qui sonne comme une malédiction. Tous les rôles seconds sont bien tenus. Le chœur de l'Opéra de Montréal est dynamique et devient des personnages actifs et bien intégrés à la pièce.

Les décors de sont sobres, rehaussés par les éclairages de qui illustrent les situations contrastées. La mise en scène ne brille certes pas par l'originalité mais a au moins le mérite de bien situer les différents tableaux auxquels la scène inclinée donne une réelle profondeur. Les costumes provenant du Memphis Opera sont somptueux. L' du Grand Montréal, sous la conduite de donne une interprétation adéquate d'un des chefs-d'œuvre de Verdi.

Crédit photographique : © Yves Renaud

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