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Prokofiev, Sokhiev, Calvario, Trois oranges sinon rien

Alors qu'Hercules de Haendel était présentée comme la production-phare de l'édition 2004 du Festival d'Aix-en-Provence, la vedette lui a été volée par l'Amour des trois oranges.

Tout était réuni pour obtenir un triomphe. La distribution, jeune et presque exclusivement russophone, est très homogène. Quelques personnalités s'en détachent, dont le Roi de Trèfle d', le délirant Trouffaldino de et la démoniaque Fata Morgana d'. L'ensemble de la troupe fait preuve d'une aisance scénique remarquable. Le chœur, souvent sollicité par petits groupes, s'acquitte de son devoir avec maestria. Lui aussi est place sous le signe de la jeunesse : l'EuropaChorAkadémie est un « chœur-école » d'Outre-Rhin absolument époustouflant.

propose une lecture plus que loufoque de cet Amour des trois oranges. Le livret, inspiré de la Commedia dell'Arte, s'y prête : un prince neurasthénique est maintenu malade par sa cousine la Princesse Clarisse et son amant, le Premier ministre Léandre, dans le but d'hériter de la couronne du Roi de Trèfle. Ce dernier embauche Trouffaldino pour faire rire le Prince. En vain, car celui-ci a été ensorcelé par Fata Morgana, l'ennemie jurée du mage Tchélio, protecteur du Roi. A l'occasion d'une grande fête Fata Morgana, déguisée en clocharde, se fait expulser de la scène, ce qui provoque… l'hilarité du Prince ! Vexée, la sorcière le condamne à chercher trois oranges, détenues par Créonte, la cruelle cuisinière qui massacre à la louche. Les trois oranges sont trouvées, mais l'histoire ne s'arrête pas là. Achetez donc ce DVD pour connaître la suite.

La mise en scène délirante mélange numéros de travestis (désopilant dans un numéro muet de diva capricieuse), transforme Trouffaldino en Divine (célèbre travesti américain plutôt corpulent), fait de Créonte (rôle travesti à l'origine, puisque féminin mais chanté par une voix de basse) en tenancière d'une boite de nuit, Fata Morgana est habillée de cuir et mate ses troupes au fouet, etc. L'ambiance est proche de Priscilla folle du désert. Calvario est aidé en cela de l'intelligent dispositif scénique de Jean-Marc Stehlé et des somptueux costumes d'Aurore Popineau.

Mais au-delà d'une distribution exemplaire et une mise en scène intelligente et inventive, cette production de l'Amour des trois oranges a surtout propulsé un jeune chef d'orchestre de 27 ans, alors totalement inconnu, qui aujourd'hui fait les beaux jours de la Halle aux grains de Toulouse : . La partition n'est pourtant pas des plus faciles, mais il n'en fait qu'une bouchée, pour notre plus grand bonheur.

Cette production ne risquant pas d'être reprise de si tôt, l'investissement dans un DVD s'impose.

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