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La redécouverte d’Amadigi di Gaula

Pour tous les auditeurs non familiers de cet opéra de , le présent enregistrement fera office de révélation.

Composé en 1715, soit quelques années avant la création de la première Académie Royale de Musique, Amadigi di Gaula peut être vu comme le couronnement de la première période londonienne de Haendel, celle qui avait débuté triomphalement en 1711 avec Rinaldo pour se poursuivre avec Il pastor fido, Teseo et Silla. Et pourtant, par ses multiples et incroyables beautés, l'opéra annonce déjà les splendeurs et la maturité d'Alcina, ouvrage qui lui aussi met en scène les sortilèges opérés par une redoutable magicienne pour s'attacher un valeureux guerrier épris, hélas pour elle, d'une autre femme. De cette situation inconfortable mais conventionnelle, compliquée par l'apparition d'un deuxième amant et agrémentée de multiples enchantements, apparitions et autres transformations, découlent les habituels méprises, quiproquos et malentendus, sources inépuisables des émotions et affects les plus divers.

Peut-être est-ce l'origine espagnole du livret de Giacomol Rosi, un roman de chevalerie médiéval qui devait inspirer le texte de Houdar de la Motte dont l'ouvrage de Haendel est dérivé, qui a poussé Al Ayre Español à se pencher sur cette superbe partition, remarquablement dirigée par . Les tempi sont toujours adéquats et savamment dosés, les récitatifs accompagnés – relativement nombreux dans cet ouvrage – sont particulièrement émouvants et la basse continue est d'une beauté ensorcelante. Pour une fois, tous les récitatifs sont justes et expressifs et rendent justice à la superbe qualité dramatique de cette œuvre injustement méconnue.

La distribution réunit quatre jeunes chanteurs rompus au style baroque et à l'écriture vocale haendélienne. Dans le rôle de Dardano, le jeune contre-ténor fait valoir une voix richement timbrée qui rend bien justice au célèbre « Pena tiranna ». Dotée d'une voix relativement claire pour le rôle d'Amadigi, la mezzo-soprano est autant à l'aise dans les vocalises de ses airs rapides que dans le pathos de « O rendetemi il mio bene » ou le lyrisme de « Sussurrate onde vezzose ». Face à elle, Elena de la Merced est une Oriana à la voix légère et flexible, capable d'un beau legato, mais qui ne parvient pas néanmoins à faire oublier la royale Jennifer Smith dans l'excellente version dirigée par . En revanche, est tout simplement éblouissante dans le rôle de Melissa, autant par la caractérisation qu'elle apporte au personnage que pour ses qualités purement vocales. Autant à l'aise dans la mezza voce que dans les airs de fureur, maîtresse du souffle comme on en entend rarement, cette superbe chanteuse justifierait à elle seule l'achat d'un coffret qu'aucun point faible ne vient entacher, fait d'autant plus remarquable que la précédente version faisait figure de référence absolue. Même si cet enregistrement ne parvient pas réellement à détrôner la gravure de Minkowski, il comptera parmi les dernières parutions haendéliennes majeures.

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