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Hunt, Noces, Mariage : Stravinsky d’hier à aujourd’hui

Reprise partielle d'un spectacle déjà présenté cette saison à Nancy, cet « Hommage à » encadrait la version « historique » de Noces pas deux lectures plus actuelles de ces mêmes Noces et du Sacre du printemps.

HUNT, solo de plus d'une demi-heure, dansé par lui-même, ne garde de l'idée de base du Sacre du printemps que celle du rapt. Le chorégraphe figura la première partie du Sacre comme une chasse à l'homme, une course éperdue d'un animal en fuite, rattrapé par ses poursuivants. La seconde partie voit le même danseur vêtu d'un complexe ensemble feuilleté blanc sur lequel sont projetés diverses images, immobiles ou en mouvement, correspondant à des yeux, des regards, etc.., symboles de la cage dans laquelle la bête traquée est exposée. Une chorégraphie qui privilégie les gestes lents et amples, rendant ainsi l'expression encore plus poignante.

Les deux œuvres suivantes reprenaient les deux versions de Noces de 1923 de Stravinsky, en français et en russe, dans la chorégraphie originale de Nijinska et la création très récente de Saarinen, avec de la musique « en vrai » et non enregistrée. Noces vue par ne tolère aucun manque de rigueur, les mouvements doivent être réglés au millimètre près sinon l'édifice s'écroule. Et l'édifice s'est écroulé : les décalages sur scène fusent, les figures géométriques que doivent dessiner les danseurs sont brouillonnes. Dans la fosse, les musiciens ne s'en tirent pas mieux : Noces ne supporte décidément pas d'être chanté en français. Du fond de scène au fond de salle l'ennui s'installe, la chorégraphie de Nijinska perd tout intérêt si ce n'est documentaire…

Changement radical lors de la version russe chorégraphiée par . Chanteurs comme danseurs semblent libérés d'un carcan. Dans tous les cas l'expression se fait plus franche. Rebaptisé Mariage pour l'occasion, le propos reste le même : la cérémonie de préparatifs de noces chez la promise puis le promis, les pleurs des mères avant le départ pour l'église et le festin qui suit la cérémonie. Stravinsky voyait ce mariage archétypal, Saarinen replace la lutte de l'individu déjà vue dans HUNT à un niveau plus vaste et concret : le mariage forcé devenu viol conjugal. Chacun des mariés est isolé, le corps de ballet fait office de turba, tandis que le chœur et les solistes, véritables commentateurs, figurent des complices passifs de cette cérémonie quasi bestiale. Les époux forcés ne se rejoignent que sur les accords finaux, à la fin du repas de noces, vraisemblablement ivres, unis sans avoir la conscience d'être unis. Réussite globale de tout le plateau – dont se distinguent Khatouna Gadélia, et Jonathan Schiffmann, Noces étant pour un chef d'orchestre une œuvre-test. Le Ballet de Lorraine est plus à l'aise dans cette lecture moderne dans laquelle ses danseurs exultent.

Crédit photographique : © Marita Liulia (HUNT) ; © Laurent Philippe (Noces, Mariage)

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