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Kátya Kabanová par Robert Carsen, angoisse et poésie

Il a des moments où l'on ne veut pas entendre des applaudissements. Des moments où, après la dernière note, on ne désire qu'un silence religieux de 10, de 20, voire de 30 secondes. Mais trop souvent, le « bravo » prématuré d'un soi-disant aficionado vient troubler ce moment magique. Tel était le cas à la fin de cette magnifique représentation de Kát'a Kabanová à l'Opéra de Cologne.

Pour une fois, scène et musique se sont unies de façon tellement béatifique, que le mot magie n'a rien d'exagéré et que l'on aurait espéré qu'elle perdure encore pour quelques instants…

Quelle heureuse idée en effet que d'importer la sublime mise en scène de conçue originairement pour le Vlaamse Opera d'Anvers et mélangeant habilement réalisme et symbolisme, moments étouffants et moments de pure poésie, et tout cela sans jamais trahir ni texte, ni musique. L'élément central de cette production est l'eau qui recouvre quasiment toute la scène : la Volga du livret, reflet des sentiments humains, et lieu, tour à tour, de liberté, d'amour et de la mort. A ce symbolisme de base répondent comme éléments réalistes de beaux costumes année 1920, quelques passerelles en bois, quatre chaises et quelques valises. S'ajoutent une direction d'acteur à la fois naturelle et fouillée ainsi qu'un jeu de lumières d'une rare beauté.

Heureusement, la lecture de est en phase avec l'interprétation de Carsen. Comme ce dernier, Stenz accentue les couleurs lyriques et post-romantiques, fait chanter les superbes violons du Gürzenich-Orchester au lieu de miser sur les dissonances dans les vents. Mais il ne sombre pas dans un hédonisme primaire et fait entrevoir derrière toute cette beauté apparente, les tensions et l'angoisse de la pièce.

Au lieu de initialement annoncée, le rôle titre est interprété par Rebecca Nash. Malgré un physique désavantageux et quelques stridences dans l'aigu forte, elle parvient à dresser un portrait émouvant de Kát'a grâce à l'intensité de son jeu, à la beauté de ses piani flottants et au jeu subtile de nuances et de couleurs vocales. A ses côtés, Viola Zimmermann campe une Varvara un peu pâle vocalement, mais très crédible sur scène. est un Kudrjaš idéalement juvénile, Daniel Henriks un Dikoj très convaincant dans sa lourdeur, malgré un aigu un laborieux. Après son excellent Števa la saison dernière, Hans-Georg Priese incarne un Tichon magnifique, coincé comme il faut, et vocalement sans faille. Boris n'est pas ici le jeune premier habituel, mais rappelle étonnamment Tichon. Lui aussi est homme mal dans sa peau qui trouve en Kát'a son unique bonheur. Avec sa voix percutante, à la couleur presque slave, Albert Bonnema convient à merveille à cette vision du rôle, faisant presque oublier quelques tensions dans l'aigu.

La distribution est pourtant dominée par l'éminente Kabanicha de . C'est elle qui tient les rênes en mains, qui fait trembler tout ce monde devant son autorité. Avec sa formidable présence scénique et une voix un rien durcie, mais toujours puissante et expressive, Soffel ajoute un nouvel exploit à son palmarès déjà impressionnant.

Crédit photographique : © Klaus Lefebvre

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