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Découverte de l’instant

Festival Ile de Découverte

Bien que nommé récemment à la tête de France-Musique, l'hyperactif Marc-Olivier Dupin n'a pour autant pas abandonné, séance tenante l'Orchestre National d'Ile-de-France dont il a présidé aux destinées pendant 6 ans. Ultime grande manifestation de cet orchestre de la saison (avec le Festival de Saint-Denis), le Festival Ile de Découverte est consacré à la musique contemporaine dans un lieu qui en entend très régulièrement : la Maison des Arts de Créteil. Martin Matalon, Edith Canat de Chizy, Régis Campo, Yves Chauris ou Denis Cohen côtoient György Ligeti, Anton Webern, Olivier Messiaen ou Igor Stravinsky. Mais l'Orchestre National d'Ile-de-France est aussi en tête rapport à ses collègues intra-muros au plan pédagogique. L'instant d' – ce dernier récemment récompensé du prix de composition Maurice-Ohana – a été composé avec et pour un groupe d'élèves de lycée ainsi inclus directement dans le processus de création. La partie de chœur de cet opéra de chambre est explicitement dévolue à un chœur amateur plus habitué au répertoire classique qu'à la musique contemporaine. Une expérience probante de « musique participative ».

Comme à son accoutumée après Hochzeitsvorbereitungen et The End, va puiser chez les « anciens » son inspiration dans une démarche digne de Luciano Berio. L'argument de L'instant s'y prête, inspiré d'un conte populaire italien et écrit par Alejandro Tantanian : deux amis font le serment d'être témoins lors de leurs mariages respectifs. Mais un de deux comparses meurt prématurément. Lorsque, quelques années plus tard le survivant se marie son ami ressuscite, prêt à honorer sa promesse. Mais il demande au vivant de l'accompagner un instant de l'autre coté, au paradis. De retour, le vivant demande ou est passée la noce. Mais la dernière noce a eu lieu il y a une cinquantaine d'année, le marié a disparu et la mariée est morte de chagrin…

Cette histoire d'aller-retours entre monde des morts et monde des vivants, fait nettement référence au mythe d'Orphée. La musique dans ses parties chorales évoque un lointain souvenir de madrigal italien, « pollué » par les interventions de l'orchestre et les bruitages des élèves lycéens. Quand elle n'évoque pas le passé, les figures tutélaires de Ligeti et Stravinsky apparaissent au loin, sans jamais être envahissante. La musique d' est celle d'un chef d'orchestre (et pour cause) : brillamment orchestrée. Le texte d'Alejandro Tantanian est dans une directe lignée brechtienne du détachement : les deux récitants n'ont pas de rôle précis, ils racontent sur un ton totalement détaché. Parfois la musique couvre volontairement les paroles. Le contre-ténor offre un contrepoint de commentateur à cette récitation monocorde. L'excellent , membre des Neue Vocalisten de Stuttgart, fait vaillamment face à une partition virtuose qui ne l'épargne pas. Sous la direction attentive du compositeur l'Orchestre National d'Ile-de-France tient honorablement son rang.

Une expérience musicale à rééditer. Après la création à Aulnay-sous-bois et la reprise à Créteil, à quand la création parisienne ?

Crédit photographique : Oscar Strasnoy © Ernesto Donegana

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