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Leonard Bernstein dirige Leonard Bernstein

De vieilles connaissances ! Et lorsqu'elles sont présentées dans cette belle série «The Original Jacket Collection» de Sony BMG à prix doux, c'est une véritable aubaine.

Les disques sont insérés dans des pochettes individuelles solides en carton lustré, reproduisant le recto-verso des microsillons originaux correspondants – avec d'ailleurs nécessité de se munir d'une loupe pour lire les textes des versos… et quelques non-sens de présentation signalés par ailleurs dans l'excellente chronique relative à Eugene Ormandy.

Il semble apparemment qu'il y ait offensive des majors (et même de labels tels que BIS) à proposer des coffrets à prix réduit afin de concurrencer Naxos, Brilliant, ou surtout des étiquettes moins officielles.

Mais revenons à  ; la plupart des œuvres présentées dans ce coffret ont été réenregistrées chez DGG, à une époque où Lenny favorisait les captations en public. Bien que ces «remakes» soient inestimables en tant que «live» du chef d'orchestre – compositeur américain, il est bon de se ressourcer aux premières moutures sur disques de ces pages d'un musicien fougueux et passionné, en pleine possession de ses moyens, dont l'activité débordante de chef d'orchestre occultait quelque peu le compositeur.

L'œuvre de touche à tous les genres : musique de chambre (non représentée ici), musique orchestrale, de film, pour le théâtre, et religieuse ; toutefois, l'ouverture d'esprit exceptionnelle et l'absence de parti-pris du génial musicien nous empêchent de dissocier en lui le compositeur de musique dite sérieuse et celui de musique dite légère, grâce à sa maîtrise diverse unifiant les deux domaines. En fait, quel que soit le style de musique, Bernstein applique les mêmes soins à une œuvre austère – telle que la Symphonie n°1 «Jeremiah» (1943) ou la Symphonie n°2 «The Age of Anxiety» (1949) – et un divertissement populaire – comme West Side Story (1960). En outre, Bernstein a toujours éprouvé une prédilection pour le théâtre et la musique vocale, et il est édifiant de constater que sur les dix-sept œuvres présentes dans ce coffret, seules six sont purement orchestrales : la suite symphonique On the Waterfront (1955), seule musique de film qu'il ait composée ; le ballet Fancy Free (1944) et Prelude, Fugue and Riffs (1949/1955), montrant tous deux les évidentes affinités de Lenny avec la jazz ; The Age of Anxiety, l'essai chorégraphique Facsimile (1946) et la Sérénade pour violon et orchestre (1954). L'ouverture de Candide (1956), les trois épisodes dansés de On the Town (1944) et les danses symphoniques de West Side Story sont issus des œuvres éponymes pour le théâtre correspondantes.

Si ce coffret regroupe les enregistrements stéréophoniques réalisés par Bernstein de ses œuvres, entre mai 1960 et juin 1974, trois de ses partitions ont aussi connu des gravures antérieures en monophonie, également présentes dans cet album : Fancy Free, la Sérénade pour violon et orchestre et The Age of Anxiety. La Sérénade fut initialement enregistrée par le violon très pur d', son créateur, tandis que la version stéréo bénéficie du superbe jeu de  ; The Age of Anxiety pour piano et orchestre connut d'abord la gravure de Lukas Foss en soliste, mais Bernstein remania la partie de piano à la demande de Philippe Entremont, interprète inspiré de la version stéréophonique, et il sera vraiment passionnant de comparer non seulement ces deux visions, mais également celle réalisée par Bernstein pour DGG, avec à nouveau l'excellent pianiste – chef d'orchestre – compositeur Lukas Foss en soliste fidèle.

La plupart des œuvres importantes de Bernstein traitent de la difficulté d'une véritable et profonde communication entre les êtres humains, souvent associée à la quête difficile et aléatoire de la foi, utilisant notamment des textes bibliques dans Jeremiah et Kaddish, ou se basant sur le folklore juif d'Europe centrale dans le ballet Dybbuk (1974) exigeant même deux solistes vocaux.

On sera peut-être plus sceptique quant à la Messe (1971), curieux agglomérat de styles pop, rock et classique, où le théâtre prédomine également : Bernstein n'a-t-il d'ailleurs pas sous-titré son œuvre «pièce de théâtre pour chanteurs, acteurs et danseurs», voulant sans doute tendre vers une sorte de spectacle total. Par ailleurs il est indéniable que les prières pour la paix de cette Messe – qui n'ont rien perdu de leur actualité – témoignent des intentions généreuses et sincères de son auteur.

C'est d'ailleurs ce qu'on éprouve à l'issue de l'audition de ce magnifique coffret : la générosité et la sincérité d'un musicien vraiment attachant et qui n'est pas un doctrinaire, à la maîtrise d'écriture étonnante et à l'habileté d'orchestrateur souveraine, quels que soient les genres et les styles utilisés.

Après cette excellente réédition Bernstein coïncidant avec le 90e anniversaire de sa naissance (le 25 août 1918), oserait-on espérer de la part de Sony BMG, la publication dans cette même série «The Original Jacket Collection», des enregistrements des œuvres d' dirigés par lui-même et son ami…  ?

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