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Cycle Boulez et Pollini au Louvre, la musique à vif

Après Pierre-Laurent Aimard venu défendre avec éclat la troisième Sonate de Boulez, c'est l'immense pianiste que recevait le Louvre ce Mercredi 26 Novembre dans le cadre de l'hommage rendu à . Et c'est sa deuxième Sonate, celle que Pollini jouait par cœur à 25 ans et dont il donnera au disque une version de référence qui était programmée à côté des viennois Schœnberg et Webern et de Debussy, trois «filières» directes et stimulantes de la pensée boulézienne.

Dans le corpus pianistique de Schœnberg, ce sont les petites pièces atonales (1909-1911), éminemment libres et inventives qui semblent davantage attacher Pollini. La plénitude sonore et la logique organique avec lesquelles il aborde les trois pièces de l'opus 11 laissent clairement transparaître l'héritage brahmsien qui irrigue la pensée schœnbergienne à cette époque. Plus radicales dans leur brièveté et l'économie de moyens qu'elles mettent à l'œuvre, les Six petites Pièces opus 19 participent, sous ses doigts, d'un projet sonore global donnant à chacun de ces «haïkus» une inscription sonore singulière. Les Variations opus 27 (1935-1936) qu'il jouait ensuite comptent parmi les partitions les plus radicales de Webern au regard de la concision et de l'ordonnance structurelle. Sans doute ce qui fascine cet interprète épris de rigueur et de maîtrise absolue du texte. Il en livre une lecture très directe et objective dans un espace raréfié qui, surtout dans le troisième mouvement très dépouillé, ne laisse guère filtrer l'émotion.

Pollini a toujours eu une prédilection pour les Etudes, celles de Chopin comme celles de Debussy qu'il enregistre en 1980 et dont il donnait ce soir l'intégralité du Livre II ; moins évocatrices que les Préludes et sans images prétextes, ces Etudes (Pour les degrés chromatiques, Pour les agréments…) sont, sous ses doigts, des instants de pure musique. Avec un toucher raffiné dont il obtient les graduations les plus sensibles, c'est le pouvoir expressif et pénétrant de cette musique de timbre qu'il nous communique.

Même si la deuxième Sonate pour piano de Boulez (1948) est devenue un «classique» du XXe siècle, peu de pianiste s'y aventure et rares sont les occasions de l'entendre. Partition à l'appui, l'interprétation qu'en livre reste toujours très impressionnante ; la virtuosité qui y est déployée subjugue sans pourtant céder au spectaculaire chez cet interprète à l'attitude et aux gestes très (trop ?) mesurés. Avec cette concentration sur le son dont il maîtrise admirablement les attaques, il fait du deuxième mouvement une somptueuse «étude» pour les résonances. Stade limite de la complexité, la fugue finale – «sans timbre, sans nuances, très lié», écrit Boulez – était l'ultime défi relevé ce soir avec maestria par celui qui aime à déclarer : «être au service du compositeur est la seule chose qui ait une validité objective».

Crédit photographique : © Mathias Bothor / DG

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