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Un prophète aux Champs-Elysées

On connaît bien l'intérêt de Mendelssohn pour Bach, et en particulier pour la Passion selon Saint-Matthieu. Pourtant Elias fait surtout penser aux oratorios de Haendel, comme Judas Macchabée et Israël en Egypte, que Mendelssohn a dirigés en Angleterre. Le livret, inspiré du Livre des Rois, ne prévoit ni choral à l'unisson, ni narrateur, mais il offre de nombreux épisodes spectaculaires, surtout dans la première partie, où Elias accomplit pas moins de trois miracles pour convertir les Hébreux. L'œuvre est suffisamment rare en France pour qu'on insiste sur son exceptionnelle qualité musicale : Mendelssohn y pousse à l'extrême la science qu'il a puisée dans les oratorios de Haendel et de Haydn, et son inspiration ne connaît aucune faiblesse. Les grands chœurs, enrichis par une orchestration audacieuse, sont d'une majesté inouïe, tandis que les airs et les ensembles vocaux sont d'une rare beauté. L'œuvre fut admirée par Berlioz et Wagner s'en est manifestement inspiré : l'ouverture est enchaînée avec le premier choeur, comme dans les Maîtres chanteurs, et le personnage d'Elias a sûrement prêté ses traits à Wotan, qui oscille comme lui entre la fureur et le désespoir.

A quatre-vingt ans passés, , animait admirablement cette œuvre imposante. Comme dans l'enregistrement paru naguère chez Teldec, sa lecture puissante et cursive convenait tout à fait aux scènes les plus dramatiques et faisait oublier quelques instants de flottement (surtout au début des morceaux). On regrettait tout de même la rapidité excessive des passages plus recueillis : les deux airs lents d'Elias, pourtant notés adagio, ne pouvaient s'épanouir à un tel tempo. Dans les grands chœurs, on pouvait aussi reprocher à d'atténuer, dans un souci bien moderne de sobriété, la monumentalité inhérente à cette musique et à l'oratorio de cette époque : après tout, lors de la création, Mendelssohn dirigeait quatre-cents musiciens ! Par ailleurs, le Chœur de Radio-France, renforcé par la Maîtrise de Radio-France, a réalisé une performance remarquable, pour laquelle il faut certainement féliciter le chef Michael Gläser, venu de Munich : la prononciation était exemplaire, les notes aiguës bien maîtrisées et le phrasé soigné. L' paraissait moins assuré, notamment dans une ouverture décevante.

Après les annulations de Bryn Terfel et de Ludovic Tézier, s'acquittait avec honneur d'un rôle écrasant. Le chant était, comme toujours, probe et les vocalises aisées, mais sa robustesse maussade ne pouvait qu'esquisser l'autorité surnaturelle du prophète irrité. Parmi les autres solistes, et se distinguaient par leurs qualités bien connues et l'ensemble de huit solistes représentant les anges était excellent. Des applaudissements nourris ont justement salué cette belle réalisation d'un chef d'œuvre.

Crédit photographique : © Sheila Rock

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