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Venise est anglaise

Pour commencer l'année 2009, la Monnaie présente, en coproduction avec l'English National Opera (London), le dernier opéra de : Death in Venice.

Créé trois ans avant la mort du compositeur, beaucoup y cherchent un testament musical, au cours d'un sujet qui prête aux parallèles avec les vivants. Depuis Thomas Mann, après Visconti, Venise reste la ville énigmatique où le tourmenté Gustav von Aschenbach se consume de passion pour le jeune homme Tadzio. À partir d'une nouvelle, concentrée bien plus sur la pensée que sur l'action, la librettiste Myfanwy Piper et Britten parviennent à enchaîner des scènes en mouvement qui reposent sur la très riche musique du compositeur britannique. Britten mêle différents procédés musicaux au départ d'une orchestration légère qui cède aux chanteurs en illustrant pourtant clairement leurs individualités, leurs doutes, leur insouciance. Il diversifie le langage et caractérise ses personnages, utilisant le récitatif ou la technique sérielle pour les divagations, l'introspection douloureuse de l'écrivain von Aschenbach, opposant un chromatisme tendu aux couleurs de l'innocent Tadzio (danseur et brillamment muet tout au long de l'opéra), menées joyeusement par de nombreuses percussions dans un univers principalement diatonique. Une musique limpide, illustrative ; une mise en scène qui poursuit l'œuvre dans la même idée : accumule souplement des tableaux de mouvements sur une scénographie sobre qui s'appuie sur un subtil travail des lumières, entre ombres et brouillards ou clairs, obscurs…

Beaucoup de monde sur la scène, des gestes, des mouvements qui, tant dansés que bougés simplement, travaillent à isoler l'écrivain, égaré par la passion, écrasé par la réalité, ou le jeune homme qui libère cet amour. Du noir et du blanc, baryton-basse en Dionysos et contre-ténor en Apollon, des griffonnages oppressants, gigantesques, qui couvrent la pensée torturée de l'écrivain ; la scène est tenue par l'action, d'après un livret qui s'y attache et qui en demande l'illustration.

Beaucoup de monde et pourtant ce danseur, muet, ce baryton pour sept rôles différents, et le ténor, (qui cèdera sa place, plus tard dans le mois, à Ian Bostridge), omniprésent, charismatique Aschenbach, qui rayonne, évolue justement, au cours d'une performance épuisante. Au-delà du chanteur, un comédien que l'on croit pouvoir mourir d'amour à la fin du spectacle.

Une opulente production soutenue par la direction évidente de , à la tête d'un orchestre précis, jouant son rôle de conteur avec l'intransigeance et la distance idéales. Un opéra moins connu de Britten, qui, au-delà de son argument remarquable, se révèle comme une synthèse réjouissante de l'écriture du compositeur anglais.

Crédit photographique : (Aschenbach) © J. C. Carbone

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