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Radieuses dissonances

En lien avec les représentations d'Albert Herring, l'Opéra-Comique annonçait des œuvres britanniques «librement inspirées de l'art baroque». En réalité, cette définition ne vaut guère que pour la pièce de Tippett : la Chaconne de Britten est un simple arrangement de l'original, et, parmi les dix Variations sur un thème de Frank Bridge, une seule fait référence au style baroque. Quant à l'Introduction et allegro d'Elgar, comme le Double Concerto de Brahms, elle réutilise la forme du concerto grosso, mais demeure d'expression absolument romantique.

Le concert débutait logiquement par cette œuvre de 1905, la première d'une longue lignée de pièces britanniques pour orchestre à cordes, dues notamment à William Walton, Ralph Vaughan Williams et Gustav Holst. Elgar lui-même s'est inspiré des sérénades pour cordes de Tchaïkovsky et de Dvořák, tout en confiant des passages plus intimes à un quatuor de solistes. L'interprétation vive et tranchée des Dissonances prenait l'œuvre à bras le corps sans oublier de mettre en valeur les subtilités d'écriture qui, comme toujours chez Elgar, se cachent derrière la générosité mélodique. Le passage fugué était réalisé avec une maîtrise impressionnante, en accélération puis en décélération.

Écrite en 1953 pour célébrer le tricentenaire de la naissance de Corelli, la Fantaisie concertante de utilise une des transitions génialement efficaces qui caractérisent les Concertos grossos de l'opus 6. Dans cette partition extrêmement habile, au langage composite et fleuri, s'imposaient par la pertinence des tempos et la précision dans les jeux rythmiques entre un concertino de trois solistes et deux groupes orchestraux, eux-mêmes souvent divisés.

La Chaconne de Purcell, donnée à un instrument par partie, permettait d'apprécier la sûreté des musiciens de l'Ensemble, dont la plupart sont très jeunes. La soirée s'achevait sur un double tour de force, avec les Variations écrites par Britten sur un thème de son professeur Frank Bridge. Tour de force d'un compositeur de 24 ans, qui, au festival de Salzbourg de 1937, l'année de la fameuse Flûte enchantée de Toscanini, ose pasticher tous les styles de Bach à Arvo Pärt (avec quelques décennies d'avance… ) Tour de force aussi, des Dissonances, qui s'acquittaient superbement des nombreux effets demandés par le compositeur (trémolos, pizzicatos «quasi chitarra», glissandi, etc. ) La perfection de l'exécution était d'autant plus admirable que , auteur de brillants solos, ne tirait pas la couverture à lui et ne dirigeait que par intermittence : l'intelligente complicité de tous les musiciens rendait justice à l'humour sardonique aussi bien qu'à la gravité qui, par moments, annonce les chefs d'œuvre de l'après-guerre.

Crédit photographique : © Jean-Louis Atlan

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