- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Villazón en grande forme pour Roméo et Juliette

La rumeur le disait en mauvaise forme vocale : ses Don Carlo de Londres en juin dernier l'avaient mis en difficulté, et le concert parisien face à Florez avait également souligné certains problèmes avec sa voix. Dans ce DVD capté à Salzbourg quelques semaines plus tard, affiche une forme éblouissante, et rend pleinement justice à la musique de Gounod et à cette partition qui fait appel à un subtil mélange de passion dramatique et de subtilité musicale.

Dans les deux domaines, l'auditeur est comblé, d'autant plus que l'engagement scénique de l'acteur est complet lui aussi. Certains pourront juger excessif un jeu aussi expressionniste, mais aura-t-on jamais vu dans le finale de l'acte 3 une incarnation aussi poignante ? Villazón, qui manifestement semble avoir envouté la caméra de Brian Large, crève littéralement l'écran.

Aux côtés du ténor mexicain, la jeune cantatrice géorgienne est bouleversante elle aussi dans son portrait d'une Juliette femme-enfant, qui assume pleinement son destin d'héroïne tragique. La voix est d'une santé désarmante, et il ne manque à cette jeune artiste, pour assumer le rang de star auquel elle semble destinée, que le legato crémeux de ces autres grandes Juliette que sont Angela Gheorgiou ou Anna Netrebko ; c est d'ailleurs cette dernière que la jeune chanteuse remplaçait pour cette série de représentations salzbourgeoises.

Les rôles secondaires sont dans l'ensemble tenus avec distinction, avec une mention spéciale pour , excellent Mercutio à la diction claire et fluide, ainsi que pour Cora Burggraaf, tout à fait crédible dans le rôle du page Stéphano. tonitrue en Capulet, montrant davantage d'humanité en Frère Laurent. Notons également le talent comique de , truculente Gertrude, et bien chantante de surcroît. Dans l'ensemble, la distribution ne brille pas par la qualité de son français, mais si on ne comprend pas beaucoup le texte, du moins nous aura-t-on épargné cette panoplie d'accents impossibles qui semble caractériser de nos jours certaines productions d'opéras français.

La mise en scène, qui situe avec un certain bonheur l'action au XVIIIème siècle, parvient miraculeusement à accommoder le caractère plutôt intimiste de cet opéra à l'immensité du plateau de la Felsenreitschule. Ce sont évidemment les scènes de foule qui ressortent le mieux de cet espace difficile à gérer. Dieu soit loué, la caméra de Brian Large sait restituer au drame toute l'intimité dont il a besoin.

Autre grand triomphateur de la soirée, le jeune chef d'orchestre canadien qui défend avec ardeur la belle partition de Gounod, que l'on croyait connaître par cœur mais dont il révèle de nouvelles beautés.

En somme, une belle surprise tout à fait caractéristique du « nouveau Salzbourg », et de ce mélange de modernisme et de tradition que le festival semble vouloir privilégier de nos jours.

(Visited 566 times, 1 visits today)