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Lundis de la contemporaine, bienvenue à bord !

Pour le troisième Lundi de la contemporaine à la Péniche Opéra, invitait à présenter son travail de composition autour de la thématique traitant, cette année, des rapports entre philosophie et musique. Selon le rituel de ces rencontres toujours très conviviales, une commande est passée à chaque compositeur invité et une œuvre de référence y est jouée en ouverture de soirée. C'est Socrate de l'iconoclaste qui fera donc la lever de rideau de chacun des Lundi.

Ce «drame symphonique» en trois parties pour voix soliste et piano sur des dialogues de Platon (le Banquet, Phèdre et le Phédon) répondant à une commande de la Princesse de Polignac est achevé en 1918. «L'esthétique de cet ouvrage se voue à la clarté…la simplicité l'accompagne, la dirige…» déclare Satie. On ne peut mieux rendre compte de cette humble mélopée, touchante autant que naïve qui révèle la beauté d'un texte admirablement mis en valeur. Satie l'avait confié à une voix féminine. Elle est chantée ce soir par le baryton dont la diction exemplaire et l'intimité qu'il crée avec son partenaire Christophe Manien confinent à l'envoûtement.

Après ces trente premières minutes de concert, la création mondiale de la soirée nécessitait un entracte pour la «préparation» du piano dont entreprend de pervertir le jeu par un arsenal très sophistiqué de tubes métalliques, pinces et autres objets anecdotiques qui en métamorphosent totalement la sonorité. Des capteurs fixés sur les cordes assurent également un traitement du son en direct. Ce sont les paroles du philosophe Michel Foucault – à qui emprunte le titre de sa pièce On ne vit pas dans un espace neutre et blanc – que restitue à travers un «parler-chanter» qui en modèle le débit et en confère tout le relief. La voix s'ancre dans un environnement sonore très étrange révélé sous les doigts de Christophe Manien et dont la compositrice sculpte en direct les divers angles d'écoute.

Les deux œuvres suivantes convoquant la guitare de nous faisaient pénétrer dans l'univers personnel et fascinant des microintervalles que Pascale Criton sonde depuis bien longtemps. Hommage à Gilles Deleuze qui venait de disparaître, La ritournelle et le galop est une pièce pour guitare seule de 1995 ; l'instrument nécessairement amplifié y est accordé au 1/16ème de ton, division infime dont l'oreille perçoit les sonorités irisées et le charme exquis des harmonies détempérées. Les dernières minutes de la pièce concentrent l'écoute sur les micro-variations du timbre que détaille avec une fluidité de jeu étonnante.

Composée sur les mots de Nathalie Sarraute, Elle est mignonne, pièce au titre souriant, instaure une joute sonore entre une soprano – spirituelle Valérie Philippin – un baryton – théâtral – et la guitare de . Utilisée le plus souvent posée, comme la cithare, l'instrument accordé cette fois au 1/12ème ton – la nuance nous aurait échappé sans la notice de programme ! – est soumise à toutes sortes de modes de jeu réagissant aux sollicitations verbales de ses partenaires au gré de variations aussi subtiles qu'humoristiques.

Rendez-vous pris le 11 mai pour le dernier Lundi de la contemporaine avec Philippe Fénélon.

Crédit photographique : DR

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