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Création parisienne de Riders to the sea de Ralph Vaughan Williams

En portant à l'Athénée ce spectacle de 2006, l'Arcal donne, sauf erreur, la création parisienne de Riders to the sea.

Avec cette peinture de la rude vie des pêcheurs dans les îles d'Aran, à l'ouest de l'Irlande, retrouvait en 1925 l'un de ses thèmes favoris depuis sa première symphonie, la lutte héroïque de l'homme contre la nature. Cependant, pour respecter le huis clos de Synge, le compositeur n'a pas dépassé les quarante minutes et a réduit l'orchestre à vingt-deux musiciens, dont seulement trois cuivres.

Déjà salué lors de sa tournée en 2008 (voir la critique des représentations à Rennes), le spectacle de l'Arcal rend pleine justice à cette rareté. La mise en scène de souligne la parenté de la pièce avec le théâtre de chambre scandinave, évitant ainsi le piège du réalisme misérabiliste. Dans un sévère décor teinté de bleu, l'irruption d'un rouge tragique accompagne puissamment l'évocation des morts chevauchant vers la mer. Le metteur en scène éclaire aussi avec justesse la dimension symbolique du personnage principal : Maurya, la mère, incarne une conception archaïque de la vie, fondée sur la soumission aux éléments, et il est tout à fait logique qu'elle rejoigne le dernier de ses fils dans la tombe, même si le livret n'est pas aussi explicite.

En parfaite symbiose avec cette conception, la direction de privilégie la théâtralité d'une œuvre dégagée des conventions lyriques, et si proche des inflexions du texte parlé qu'on ne peut guère la comparer qu'à Pelléas et Mélisande. Vaughan Williams lui-même désignait son œuvre comme une simple mise en musique de la pièce. Le chef maintient une implacable tension appuyée sur des tempos rapides, qui confèrent urgence et vérité aux affrontements psychologiques. On peut tout de même lui reprocher de sacrifier au drame l'atmosphère maritime si singulière que le compositeur a créée à partir d'un matériau rythmique et thématique volontairement uniforme. soutient admirablement ses chanteurs, qui incarnent leurs rôles avec naturel et conviction, se gardant de toute emphase déplacée. L'interprétation vocale est de très bonne tenue, la diction un peu moins, et l'ensemble orchestral satisfait plus par sa cohésion que par la poésie des timbres.

Dans les Songs of travel donnés en première partie, se livre au périlleux exercice de mettre en scène un cycle de mélodies. La simplicité du dispositif assure sa réussite : d'ingénieuses projections du texte permettent de saisir les subtilités des poèmes et racontent une histoire qui évoque le Winterreise. Porté par l'habile orchestration de Roy Douglas, secrétaire et assistant de Vaughan Williams, le baryton donne une interprétation virile et tourmentée, contrastant d'heureuse manière avec le désespoir féminin qui rend l'opéra si poignant.

Crédit photographique : © Jeanne Tristan-Vallée

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