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Autoportrait insolite de Marc Monnet

De ce 25e , l'un des points forts est une soirée consacrée à , actuel directeur de ce festival. Trente ans de création ont permis de constater combien le parcours de ce compositeur est cohérent. Cette cohérence est moins esthétique (pour , le matériau sonore, souvent âpre, induit son langage musical) que morale (refuser de [se] répéter, au risque de [se] causer une grande violence est peut-être la seule norme que, en toute conscience, se soit donnée). Elle laisse percevoir une fusion du temps et de l'espace en une seule entité. Apparaît un fonctionnement où les formes musicales traditionnelles – englobantes et unifiantes – sont négligées, où des processus formels dérapent et se rompent avant de donner naissance à l'inouï. Marc Monnet semble moins composer avec des sons que tisser des relations entre les sons. La seule réelle évolution tient au fait que, à ses débuts, après son compagnonnage avec , Marc Monnet s'attachait à projeter le corps de l'interprète dans l'espace public ; depuis environ dix ans, l'image outillée – fixe (photographie) ou en mouvement (vidéographie) – a pris le dessus, comme si le compositeur accédait davantage à un recul méditatif. En quatre heures, du solo à la musique d'ensemble, s'est imposée une ample poétique personnelle qui montre combien Marc Monnet est un créateur important.

L'équipe d'interprètes ici rassemblée fut impeccable, à commencer par le , révélateur concentré de la plus abstraite œuvre de cette soirée. Deux grands seigneurs, engagés dans la musique novatrice de notre temps, ont captivés un auditoire nourri. répond à de saisissantes photos de Wim Wenders et joue du Monnet (Imaginary Travel, 1996) comme du Beethoven : sonorités profondes, vaste palette d'articulations et discours tendu. Quant à (Épaule cousue, bouche ouverte, cœur fendu, première audition de cette commande des Ballets de Monte-Carlo), il a empoigné cette œuvre nouvelle comme il le fait des sonates et partitas de Bach, à des hauteurs apolliniennes ; et pourtant, un défi de taille s'imposait à lui : lier ses intermèdes à violon solo avec les formants sollicitant le seul ensemble instrumental. Une telle organisation formelle se retrouve dans Bosse, crâne rasé, nez crochu où les deux pianistes et Géraldine Dutroncy ont brillamment relevé un identique défi. Une fois encore, Court-Circuit a fait merveille, conduit par , musicien toujours aussi intelligent et convaincant.

Lire le compte rendu du week-end Schubert du .

Crédit photographique : Marc Monnet © Eric Mathon / MITI

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