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Il jouait du piano de dos…

Avant le début de chaque concert parisien, l'observation minutieuse du public permet au spectateur solitaire de se distraire un peu en attendant l'entrée des artistes. A la Cité de la Musique, dont la salle était quasi pleine (comme souvent depuis tant d'années), et en dépit d'un beau programme Beethoven, quoiqu'un peu spécieux, on ne retrouvait aucun des éléments constitutifs de la cohorte de rombières arthritiques et d'abonnés catarrheux qui hante les salles cossues du VIIIe arrondissement, plus soucieux du mœlleux de leur fauteuil et des saveurs à venir du souper d'après-concert que de la musique qu'on leur propose.

Et c'est tant mieux ! La Cité de la Musique a trouvé depuis longtemps son public, qui vit et vibre au rythme de la musique, des musiques. L'auditoire parisien assemblé Porte de Pantin (écouteur et attentif) était très hétéroclite, à l'image du vrai Paris, d'un Paris vivant, d'une capitale plurielle et gourmande de cultures.

Spécieux, le programme l'était un peu car, donné sur deux jours, il pouvait laisser entendre que nous aurions droit à une intégrale en deux soirs des Concertos pour piano et orchestre de Beethoven. Or c'est le même programme qui est répété (les concertos n°1, n°2 et n°3) deux soirs d'affilée, et il faudra attendre le 6 octobre prochain pour entendre (une seule fois) le concerto n°4 et «L'empereur»… L'interprétation donnée par l'excellent pianiste Pierre-Laurent Aimard, à la fois soliste et chef (d'un soir) du , est sobre, carrée, sans anicroche.

Néanmoins, la disposition (quasi obligée) du piano face aux musiciens – et donc du pianiste tournant le dos à la salle – nuit un peu à cette relation si particulière qui se noue habituellement entre un soliste, un ensemble et l'auditoire…

Une question se pose alors : pourquoi dirige-t-il aujourd'hui lui-même, du piano, ces concertos de Beethoven dont il avait enregistré l'intégrale en 2003, avec ce même et un chef… Nikolaus Harnoncourt ?

Il confiait au quotidien britannique The Guardian, en août 2007 : «Pour être clair, je ne suis pas un chef d'orchestre… J'aime faire de la musique de chambre, faire partie d'un groupe, accompagner du chant, enseigner, parler de musique. En d'autres termes, vivre le phénomène de différents côtés. » Et il ajoutait que diriger Beethoven au piano est de fait «plus naturel» car, «du point de vue compositionnel, il n'y a pas encore cette opposition entre l'individu et la masse que l'on trouve dans les concertos romantiques ultérieurs».

On l'a pourtant senti, par instants, gêné pour donner l'impulsion aux musiciens en se concentrant sur son clavier (avec des partitions dont l'orchestration n'a rien d'anodin).

Crédit photographique © Fred Toulet / Cité de la musique

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