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Brahms contre Wagner

La Cité de la Musique propose un court cycle consacré aux querelles musicales. Comparée au pamphlet contre Monteverdi ou à la Querelle des Bouffons, l'affaire Brahms contre Wagner est certainement la moins signifiante sur le plan musical : la controverse fut moins le fait des maîtres que de leurs clans, et Nietzsche, dans Le cas Wagner, a résumé ainsi ce «malentendu allemand» : «On le prit comme antagoniste de Wagner – on avait besoin d'un antagoniste !».

Qu'importe, puisque ce beau programme permet au chœur de déployer son habituelle perfection d'ensemble et de diction. La direction sévère et concentrée de convient parfaitement aux motets de Brahms. Les Fest und Gedenksprüche, dépouillés de leur aspect emphatique, trahissent une relative faiblesse du pupitre des sopranos par rapport aux autres voix, plus incisives et plus richement timbrées.

Ihr stürzt nieder fait partie d'une série d'études pour divers instruments. Musicalement parlant, l'hommage à la Neuvième symphonie de Beethoven reste allusif. Les deux pièces inspirées par Wagner offrent de remarquables exemples de transcription créative. M. W. nach Tristan, (un titre qui fait référence à Mathilde Wesendonck, mais aussi à Minna, la première épouse), propose une envoûtante paraphrase de Tristan. La pièce s'ouvre par la déclamation du dialogue entre Kurwenal et le Pasteur, au début du troisième acte ; elle se poursuit avec trois pièces où s'ébauche le matériau thématique de l'opéra : les lieder Im Treibhaus et Traüme, et le fragment connu sous le nom de «Thème de Porazzi» (ou encore «Elégie en la bémol majeur»), qui ne sera finalement pas utilisé par Wagner, et qui est ici vocalisé sur les célèbres vers du duo d'amour, «O sink hernieder».

Pour Siegfried Idyll, un brillant assemblage de bribes de Siegfried et du Journal de Cosima offre une vertigineuse plongée dans l'univers mental de Wagner : au gré des métamorphoses thématiques, le texte charrie des évocations de sa vie familiale et de ses obsessions idéologiques et artistiques, sans oublier ses dettes.

On connaît par le concert et par le disque la séduction des Wesendonck-Lieder transcrits par Franck Krawczyk. Le travail de force lui-aussi l'admiration : couleurs et nuances de l'instrumentation, tessitures extrêmes de la flûte et de la contrebasse, trilles et notes tenues, rien n'échappe à l'habileté du transcripteur, et rien ne paraît non plus impossible au chœur , qui fait une nouvelle fois la preuve de sa plasticité.

Crédit photographique : © Lemelle, Solomoukha

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