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Biondi & Boccherini, ou l’art des tenebrosi

La sélection d'un programme prouvant la richesse et la diversité d'une œuvre encore mal connue couve une interrogation surprenante mais non moins évidente : le génie de a t'il donné naissance à trois des genres explorés par L' ? Car si l'on s'entend sur le fait que le quatuor, sans nier tout à fait la contribution des musiciens de Mannheim, prit forme un beau jour de 1757 sous l'heureux effet de l'esprit de mise en situation propre à Haydn, en revanche, ne laissent guère de doute sur la paternité à leur attribuer, le quintette et le trio à cordes inaugurés en 1771 et 1772, enfin et surtout la forme insolite du sextuor, objet de l'expérience unique de 1776, demeurée sans suite jusqu'à l'opus 140 de Louis Spohr (1848 !)

L'installation définitive du compositeur en Espagne infusa un sang neuf à son écriture : stylisation d'élans pulsionnels irrépressibles, accentuations sur les temps forts alternant avec l'usage de la syncope, modulations vers de sombres détours, tensions savamment ordonnées en jeux de scènes multiples dont la progression concourt au sentiment d'unité. L'Europa sait alors oublier d'être Galante lorsqu'elle met en lumière ces aspects dans une réincarnation de l'art sombre et violent des Tenebrosi. Le contraste souverain communique son principe agissant depuis l'architecture globale de l'œuvre jusqu'au plus infime et intime détail d'une mesure, parcourant avec allégresse toutes les directions, toutes les dimensions, mélodie, rythme, harmonie, dans une texture à la fois dense et limpide, à laquelle ne manquent ni les couleurs ni la vivacité des traits. N'ayant pas manqué d'observer que la beauté de l'ornementation et du phrasé perpétuent la grâce au sein même de la vigueur, on se réjouira de l'équilibre que l'esprit et les sens ont trouvé comme par instinct.

La pulsation plus régulière des menuets et des finales jamais n'engendre la moindre monotonie. Ces cas de mouvement perpétuel, et non mécanique, demeurant fluide et homogène à l'épreuve d'aspérités sonores et de tentations modulatoires, nous amènent au seuil du classicisme viennois dont la conscience du jeu dialectique semble pressentie et parfaitement mise à profit dans ces lectures nuancées.

Occasionnant l'audacieuse et séduisante démarche d'accueillir l'auditeur avec un adagio dans le ton mineur, le quintette exploite de façon subtile la forme sonate d'église (lent-vif-lent-vif), magnifiée par Haydn dans ses symphonies n°22 «Le Philosophe» et n°49 «La Passion». L'originalité qui perce aussi bien à travers ce choix de structure que dans l'expressivité intense en fait l'un des meilleurs ambassadeurs du style de Boccherini, redoublant d'aura lorsqu'elle trouve un digne écho chez l'interprète que ni la routine ni la superficialité ne semblent effleurer. Cette confirmation de la justesse d'investigation de offre un superbe et solide contrepoint à l'intégrale des quintettes en cours de réalisation par La Magnifica Communità, jouant également sur instruments anciens (7 volumes parus chez Brilliant).

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