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Brahms et Berio au sommet, vol. I

Festival des Arcs 2009

Bourg-Saint-Maurice, Salle des fêtes. 20-VII-2009. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Quintette pour deux violons, deux altos et violoncelle en sol mineur K516 ; (1925-2003) : Les mots sont allés ; Oscar Strasnoy (né en 1970) : Eco pour violoncelle ; (1833-1897) : Quintette n° 2 pour deux violons, deux altos et violoncelle en sol majeur op. 111. , François Payet-Labonne, violons ; Christophe Gaugué, Hélène Clément, altos ; , violoncelle

Arc 1600, Coupole. 21-VII-2009. (1833-1897) : Sonate pour alto et piano en fa mineur op. 120 n°1 ; Quatuor à cordes n° 3 en si bémol majeur op. 67. (1925-2003) : Sequenza VIII pour violon ; Oscar Strasnoy (né en 1970) : Eco pour violon. , violon ; David Gaillard, alto ; , piano ;  : Agnès Sulem-Balobrodia, Thomas Tercieux, violons ; Jean Sulem, alto ; , violoncelle.

Arc 1800, Centre . 22-VII-2009. , (1833-1897) : Sonate pour deux pianos en fa mineur op. 34b ; Sextuor à cordes n°1 en si bémol majeur op. 18 ; (1925-2003) : Sequenza XIII pour accordéon dite «Chanson» ; Oscar Strasnoy (né en 1970) : Eco pour accordéon. Richard Hyung , Yu Horiuchi, pianos ; Bruno Maurice, accordéon ; , François Payet-Labonne, violons ; Christophe Gaugué, alto ; Guillaume Paoletti, violoncelle ; Eckhard Rudolph, contrebasse

Pour les quarante ans de la grande station de sports d'hiver alpestre, l'Académie Festival des Arcs a axé sa programmation sur deux immenses musiciens des XIXe et XXe siècles, Johannes Brahms et Luciano Berio, les œuvres de ce dernier étant ponctuées et commentées par un compositeur de 39 ans, Oscar Strasnoy. Comme en avertit Strasnoy en présentant celle pour violon, les Sequenze de Berio sont aussi difficiles pour l'interprète que pour l'auditeur, ce qui tient de la gageure pour un public de vacanciers pas toujours familiarisé à la musique. Il s'agit en effet de «séquences» de douze à trente minutes pour instruments solistes, de la flûte (1958) au violoncelle (2002), en passant par la harpe (1963), la voix et le piano (1966), le trombone, l'alto (1967), le hautbois (1969), le violon (1976), la clarinette (1980), la trompette (1984), la guitare (1988), le basson et l'accordéon (1995), écrites pour des interprètes proches du compositeur italien, qui jalonnent quarante ans de création. Berio y transcende les aptitudes techniques et sonores de ces quatorze instruments auxquels s'ajoutent des variantes, qui ne sont pas programmées aux Arcs. Ici, interprètes et instruments sont entité humaine et dramatique à part entière avivée par les tensions du jeu et par le lyrisme intrinsèque de chacune des pièces. Celles-ci sont «commentées» aux Arcs par quatorze Eco composés pour l'occasion par , qui, en musicien épris de théâtre musical, demande aux interprètes de jouer tout en disant des textes tirés de contes de Grimm et de Perrault, rappelant ainsi combien Berio, autre homme de théâtre, était lui-même passionné de littérature, Umberto Eco et Eduardo Sanguinetti comptant parmi ses proches. Le plus encourageant, cet été aux Arcs, ce sont les salles combles et le silence recueilli qui accueillent chaque exécution, ce qui ne peut que conforter Eric Crambes, le directeur artistique du festival qui, dans ses choix de programmation, tient à associer grand répertoire chambriste et création contemporaine.

Ainsi, dans la petite Salle des fêtes de Bourg-Saint-Maurice, aux dimensions plus proches du théâtre de marionnettes que de la salle de concert, et malgré un public peu averti, qui, pour beaucoup ce soir-là, a franchi pour la première fois le seuil d'un lieu de concert, la qualité de l'écoute s'est avérée dense. Il faut dire que la musique contemporaine était dispensée à dose homéopathique, puisqu'en lieu et place de la Sequenza XIV pour violoncelle, a donné du même Berio le court Les mots sont allés composé en 1976 pour un anniversaire du mécène chef d'orchestre . Cette pièce de deux minutes trente a néanmoins été commentée par l'Eco pour violoncelle prévu comme résonance avec la quatorzième Sequenza. Interprété par Eric Crambes et François Payet-Labonne (violon), Christophe Gaugué et Hélène Clément (alto) et Xavier Gagnepain (violoncelle), le Quintette en sol mineur de Mozart s'est imposé dans sa luminosité et sa tendresse intrinsèque dans cette salle taillée à sa mesure, tandis que celui en sol majeur de Brahms, plus symphonique, a sonné de façon un peu trop touffue.

Dans la plus belle salle du festival, la Coupole d'Arc 1600, David Gaillard et Pascal Godard ont donné une lecture chaleureuse de la Sonate pour alto et piano en fa mineur de Brahms. Moins convainquant ce soir-là, le Quatuor Rosamonde a offert du Quatuor à cordes n° 3 une interprétation pas toujours précise, particulièrement au premier violon, mais les deux mouvements centraux, qui mettent en exergue le chant velouté de l'alto, ont été des moments d'une rare beauté, exaltés par les sonorités de braise de l'instrument de Jean Sulem. Mais le sommet du concert a été la Sequenza VIII pour violon, certes numéro de haute voltige (violon oblige !), mais aussi pièce où le chant s'épanouit à l'infini. Le tout a été superbement porté par Eric Crambes, à la fois sûr et poète du son. La page de l'Eco de Strasnoy constitue une charmante détente après cette partition d'une exigence extrême.

Moins convainquant s'est avéré le concert d'Arc 1800 proposé Centre , épicentre du festival depuis trois ans, avec ses six cents places. Après une Sonate pour deux pianos de Brahms, source du Quintette avec piano op. 34, jouée en force par Richard Hyung- et Yu Horiuchi, le Sextuor à cordes op. 18 du même Brahms a souffert du déséquilibre suscité par la présence d'une contrebasse en lieu et place du second violoncelle. Un déséquilibre dû au poids trop imposant des sonorités et de graves trop ronflants de cet instrument qui phagocyte ses partenaires. En revanche, la Sequenza XIII pour accordéon est pure merveille. Dans cette œuvre singulièrement difficile à exécuter, Bruno Maurice a joué avec une concentration et une aisance incroyable, donnant à entendre des pianissimi évanescents, jouant un vibrato serré d'une précision inouïe, exaltant une palette sonore tenant de la pyrotechnie, où l'accordéon se fait immense orchestre d'anches, du hautbois à la clarinette basse, Bruno Maurice électrisant l'onirisme singulier de cette partition confinant à l'immatériel. Le court Eco de Strasnoy a permis à l'auditeur de rester dans la résonance de cette page particulièrement intense, avant de retourner à Brahms.

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