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De l’art d’interpréter Bach

Dans cette belle série, comme les portraits ornant les pochettes, les concerts se suivent et ne se ressemblent pas liés comme ils sont aux aléas du direct. La cantate BWV 9 débute pourtant très agréablement. Les flûtes babillent, l'orchestre léger et élégant introduit puis soutient un chœur confiant dans la bonté de la grâce. Plusieurs récits confiés à la basse rappellent combien cette confiance dans le seigneur est difficilement acquise. L'air pour ténor méditatif et implorant, dit les difficultés de résister à la peur de la mort. Mais c'est le double duo soprano-alto, flûte-hautbois d'amour qui dans une complexité compositionnelle rare permet à Bach de jouer de toutes les symétries possibles de canons entre voix et instruments dans une apparente simplicité et sans jamais se départir de mélodies gracieuses. Le choral final est un régal d'engagement dont le a le secret. Tous les interprètes sont de qualité. On sent pourtant comme un léger recul par rapport à d'autres CD. C'est le Chef portant tout sur ses épaules qui nous en donne une explication. écrit pour chaque CD un très beau texte, sorte de carnet de voyage. Dans celui qui accompagne ce volume il explique très clairement combien il croit en l'interaction tripartite du compositeur, des interprètes recréateurs et du public complice afin d'obtenir la qualité musicale qu'il souhaite. On sent comme un regret vécu lors de ce concert en Allemagne avec un public gardien du temple peu chaleureux qui n'a pas «joué» sa partie.

Tout change lors du concert suivant en Ecosse 8 jours plus tard. L'entrée majestueuse de la cantate BWV 186 fait état d'un problème qui a agité sérieusement et durablement les croyants. Comment croire en la puissance d'un Dieu si modeste et qui a tant subi. Ce cœur d'entrée est comme un élégant portail ouvragé avec art. La structure solide est agrémentée de courbes et torsades. Le est admirable de ductilité, de nuances infimes et de précision rythmique et l'articulation permet une mise en valeur d'éléments du texte qui deviennent lumineux. La basse dans un récitatif développe l'inquiétude et dans son air devient implorant. Le ténor discours sur le prodige de la Manne et renvoi sur la force à puiser dans les écritures. Son air est victorieux avec ses vocalises assurées et son énergie. Ce qui permet de terminer la première partie de cette cantate sur un choral confiant. La deuxième partie est à l'opposée très sombre et désorganisée en son début. C'est l'air de soprano qui apporte lumière et espoir avec des cordes enveloppantes comme les paroles divines réconfortent les pauvres âmes. Un étrange duo alto-soprano veut convaincre, sur le tempo d'une gigue énergique très entraînante, des bienfaits qu'il y aurait à se défaire des liens de la chair… à moins qu'il ne s'agisse d'annoncer la joie de la résurrection que le choral final annonce mais à une date inconnue. Une oeuvre toute en finesse d'un Bach jouant les contrastes et les oppositions entre le sens du texte et les sens cachés apportés par la musique.

La deuxième cantate du programme, la BWV 107 est une cantate-choral d'un modèle antique mais écrite en 1724. Avec une science de la variété dans la distribution des airs et une caractérisation très poussée Bach évite toute monotonie mais sans égaler la si belle BWV 4. La cantate BWV 187 débute par un grand chœur subtilement construit en imitations après une très belle introduction orchestrale. Le tissage d'un orchestre riche et d'un chœur complexe donne à ce début de l'ampleur et même de la majesté. La fugue centrale est construite sur un long sujet qui se développe avec souplesse et élégance. Il s'agit en quelque sorte d'un hommage à la générosité de la création car la nature répond aux besoins des hommes. L'air d'alto rappelle la confiance à garder dans l'abondance de biens donnés par Dieu. C'est la soprano qui, dans un air curieusement introduit par une sorte d'ouverture à la française très carrée, assure avec une certaine ostentation que l'amour divin ne laissera pas l'homme manquer de ce dont il a besoin. Le grand choral final en larges vagues est comme un hymne à la moisson, sorte de grâce rendue à la générosité de la nature.

Cet album intéressant ne contient pas de moments aussi immédiatement enthousiasmants que d'autres albums tant en raison de certaines œuvres moins séduisantes au premier abord que de l'alliance avec le public difficilement obtenue à Ansbach. Mais ce sont là, certaines limites du pari de cette aventure, qui reste passionnante quoi qu'il en soit car elle tient sa promesse de nous présenter toutes les cantates même dans les moments liturgiques plus faibles et nous livre les concerts tels qu'ils ont été donnés.

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