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Lawrence Zazzo : « Elle s’en va, mais tout en fuyant revient »


Année Haendel oblige, les contre-ténors sont à l'honneur dans tous les festivals et toutes les grandes salles de concert pour notre plus grand plaisir. Le Théâtre des Champs-Elysées n'est pas en reste et nous propose une belle série de récitals, concerts et opéras permettant au public de découvrir toutes les richesses de ce timbre qui rencontre aujourd'hui un succès quasi authentique à celui des castrats au XVIIIe siècle. Et le récital de ce soir est là pour le confirmer, le public parisien a réservé un triomphe au contre-ténor américain .

Mais il n'était pas seul, étant accompagné par l'ensemble dirigé par le violoniste Patrick Cohen-Akenine. Après un début très légèrement confus, les couleurs de l'orchestre se sont révélées très vite chatoyantes, tendres, sensibles, révélatrices des lumières d'un siècle et d'un compositeur en quête d'un humanisme généreux.

Le dialogue constant et équilibré entre le chanteur et l'orchestre, s'est révélé prenant, fascinant. Tout en délicatesse, il a permis au contre – ténor de nous révéler des nuances d'une infinie subtilité. Si la voix n'est pas puissante, le timbre est mœlleux et chaleureux répondant aux rondeurs des cordes et des hautbois tandis que les aigus sont légers, clairs et semblent suivre les mouvements de l'archet virtuose de Patrick Cohen-Akenine.

Dans un programme composé de deux parties intitulé : Haendel, les œuvres de jeunesse et de la maturité, le temps est un lien invisible qui nous emporte dans un mouvement perpétuel, éternel retour, évanouissement dans l'invisible, divine certitude, amour éternel. Et c'est particulièrement dans la deuxième partie de ce programme que les interprètes ont trouvé cet équilibre qui permet à ces voix égales de nous démontrer que dans cette lutte permanente l'amitié peut triompher de toutes les difficultés. Virtuose dans les vocalises, est constamment soutenu par la direction de Patrick Cohen-Akenine généreuse et attentive lui permettant de transcender ses faiblesses. Les violoncelles tragiques et puissants, le théorbe illumination cristalline, le clavecin véloce, les violons et altos souples comme le roseau mènent l'homme sur la voix de la tragédie et de l'humaine faiblesse. Le sublime air extrait de The Triumph of time and Truth «Mortals think that time is sleeping», nous offre ce phrasé, que partage chanteur et musicien, qui cisèle les mots avec raffinement et sensibilité, nous touchant au cœur tandis que l'ensemble des interprètes nous permet de percevoir dans toute sa rage et son désespoir la folie d'Orlando.

Quatre bis sont venus confirmer cet instant de partage et d'enthousiasme, laissant paraître sur scène un chanteur/acteur et des musiciens heureux de faire de la musique un don, sublimant cette vie qui passe mais qui revient toujours.

Crédit photographique : © Peter Evers

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