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Die Dreigroschenoper, fable crépusculaire

«Bob is back !!!» avions-nous envie de crier à tue-tête dans les rues de Baden-Baden après avoir vu cette production (créée en 2007) du qui vient de connaître un beau succès au Théâtre de la Ville, dans le cadre du Festival d'Automne (elle sera à nouveau visible sur la scène parisienne début avril 2010).

Avec ce Dreigroschenoper, signe en effet une mise en scène époustouflante et donne le plus cinglant des démentis à ceux qui affirmaient qu'il tournait en rond. Si on avait pu avoir l'impression qu'il se bornait en effet, ces derniers temps, à ne «faire que du Wilson», se copiant, se répétant et se parodiant dans un insupportable maniérisme, on ne peut que rester abasourdi devant cette réussite. Wilson, en effet, n'est pas Bernard Buffet qui, quelque soit le sujet, peignait toujours le même tableau : il montre que ses capacités d'invention sont intactes, s'emparant avec maestria du chef d'œuvre signé et créé en 1928.

Si tous les éléments de la grammaire wilsonienne sont présents, ils sont comme régénérés, parce qu'employés à bon escient et non plaqués artificiellement sur cette synthèse de l'opéra, de l'opérette, de la tragédie et du cabaret, se nourrissant de tous ces styles pour composer un tableau saisissant de la société allemande, quelques années avant l'avènement du nazisme. L'épure que propose possède d'étranges et inquiétantes résonances contemporaines et l'on se souvient alors des mots d'un autre metteur en scène qui lui aussi s'était attaqué au texte de Brecht, l'espagnol Calixto Bieito : «Toutes ces prostituées, tous ces délinquants travestis en honorables bourgeois comme tout droit sortis d'une soirée de gala à l'opéra, tous ces policiers corrompus et ces misérables mendiants brossent le portrait d'une société de pacotille»…

Avec ses comédiens / chanteurs (la troupe du est remarquable) blafards, ses géométries implacables et épurées, ses amplifications sonores et son jeu habile avec les lumières – des néons à la fois aveuglants et crépusculaires – Wilson nous entraine dans une fresque fantomatique et drolatique qui ne connaît pas les frontières temporelles. Une réflexion sur l'argent roi, «l'argent loi». Nous voilà au cœur de la République de Weimar évidemment, mais aussi dans l'ère qui vit la faillite de Lehman Brothers. De là à imaginer que nous sommes au bord de l'abîme ?

Crédit photographique : © Lesley Leslie-Spinks

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