- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Matthias Goerne, un apôtre aux Champs-Elysées

Après Elias en janvier dernier, le Théâtre des Champs-Elysées donne l'occasion d'entendre le premier essai de Mendelssohn dans le genre de l'oratorio (1836). La première partie de l'œuvre présente la conversion du jeune Saül, après qu'il a pris part au martyre de Saint-Etienne : le sujet touchait évidemment le compositeur, dont le père s'était converti au luthéranisme et avait adopté le nom de Bartholdy. La seconde partie, un épitomé de la carrière apostolique de Paul, est moins cohérente. Dans l'ensemble, il s'agit d'une œuvre moins mémorable qu'Elias, sans doute parce que les récitatifs et les chorals dans le style de Bach ont perdu une partie de leur attrait maintenant que les modèles nous sont devenus familiers.

L'ouverture pose comme fondation de l'œuvre le «Choral du veilleur» («Wachet auf, ruft uns die Stimme»), qui domine jusque dans le tumulte de la partie fuguée, et mène à un premier chœur monumental. Le contraste entre ce grandiose portique et le choral suivant aurait pu être plus extraordinaire si le chœur était aussi assuré et expressif dans le recueillement que dans l'enthousiasme ou l'invective. Il est vrai que réduit son geste à l'essentiel, réglant le mouvement général et l'agencement des masses. Il possède comme personne l'art de ménager la tension pour mieux exalter la magnificence de l'écriture. Avec un chœur très bien préparé et un Orchestre national généreux et engagé, les grands chœurs conservent leur clarté, si l'on excepte quelques frayeurs dans la fugue de «Mache dich auf».

En écoutant l'apostrophe aux idolâtres («Ihr Männer»), on ne peut s'empêcher de penser que doit être un merveilleux Elias, un rôle qu'il a d'ailleurs chanté cette année à Berlin. Mais quel Paulus il incarne ! Et quelle profondeur dans chaque inflexion de ce chant somptueux, d'abord sombre et implacable, puis admirablement pesé, dans la douleur de l'aveuglement comme dans la joie de la conversion ! Son adieu aux Ephésiens, un simple récitatif, est bouleversant. Autour de lui, Ruth Ziesak se montre remarquable de subtilité dans la narration, mais il lui manque la générosité vocale qui pourrait donner expansion et sérénité à l'air «Jerusalem». , sobre et précis, s'acquitte aussi bien de son air, rehaussé d'un beau solo de violoncelle, que de ses duos avec Matthias Gœrne. fait très bonne impression dans son unique arioso, et l'on n'oublie pas les voix séraphiques de la Maîtrise de Radio France, qui tiennent le cantus firmus dans certains chœurs, et, sous la direction de , interpellent Saül sur le chemin de Damas.

Crédit photographique : Matthias Gœrne © Marco Borggreve / Harmonia Mundi

(Visited 156 times, 1 visits today)